Le sort d’Alger, de l’Algérie même, va se jouer en ces deux journées. Le bombardement du fort l’Empereur, puis la capitulation du dey augure d’une nouvelle ère pour le pays, celle d’une colonisation de 132 ans.
Le 4 juillet 1830, à 03h45, les batteries françaises commencent à tirer sur Fort l’Empereur. « Nos boulets, dès les premières salves, portèrent en plein dans les embrasures du fort, et dans les merlons intermédiaires, qui commencèrent bientôt à se dégrader », raconte Pélissier de Reynaud (Capitaine d’état-major, chef du bureau des arabes à Alger en 1833 et 1834) dans ses Annales. Il décrit le bombardement et l’ardeur de l’armée, ainsi que la vigueur de la riposte des canonniers du dey.
George Fleury écrit de son côté : «A l’aube du 4 juillet 1830, auréolées de nuées de poudre brûlée, les murailles du fort de l’Empereur commencent à s’écrouler malgré les efforts des canonniers du dey qui, avec les batteries des hauts de la Casbah et celles du fort de Bab Azoun contrebattent en abondance les 26 premiers canons mis en batterie ».
Pélissier de Reynaud écrit : « A dix heures, le feu du château était éteint, les merlons, entièrement détruits, n’offraient plus aucun abri aux canonniers turcs ; les pièces étaient presque toutes démontées et l’intérieur du fort était bouleversé par nos bombes et par nos obus ; le général Lahitte venait d’ordonner de battre en brèche, et de nombreux éboulements annonçaient déjà que la place serait bientôt ouverte, lorsqu’une épouvantable explosion, accompagnée d’un épais nuage de fumée et de poussière, et suivie d’une horrible pluie de cendres, de pierres, de débris de membres humains, nous annonça qu’elle n’existait plus. »
Pour éviter de tomber entre les mains de l’ennemi, le khaznadji du dey vient de mettre le feu dans une soute à poudre. Aussitôt, les français s’emparent de la place. Le dey tente une négociation et envoie des émissaires. Il informe ses proches qu’il compte faire sauter la Casbah, mais finis par céder. Aussitôt, le texte de la capitulation est rédigé.
Convention entre le général en chef de l’armée Française et S.-A. le Dey d’Alger.
« 1° Le fort de la Casbah, tous les autres forts qui dépendent d’Alger, et les portes de la ville, seront remis aux troupes Françaises, le 5 juillet à 10 heures.
« 2° Le général de l’armée Française s’engage, envers S. A. le Dey d’Alger, à lui laisser la libre possession de toutes ses richesses personnelles.
« 3° Le Dey sera libre de se retirer, avec sa famille et ses richesses, dans le lieu qu’il fixera, et tant qu’il restera à Alger, il sera, lui et toute sa famille, sous la protection du général en chef de l’armée Française ; une garde garantira la sûreté de sa personne et celle de sa famille.
« 4° Le général en chef assure à tous les membres de la milice les mêmes avantages et la même protection.
« 5° L’exercice de la religion mahométane restera libre ; la liberté de toutes les classes d’habitants, leur religion, leurs propriétés, leur commerce et leur industrie, ne recevront aucune atteinte ; leurs femmes seront respectées ; le général en chef en prend l’engagement sur l’honneur.
« 6° L’échange de cette convention sera fait avant dix heures du matin, et les troupes Françaises entreront aussitôt après dans la Casbah, et s’établiront dans les forts de la ville et de la marine. »
COMTE DE BOURMONT.
Au camp, devant Alger le 4 juillet 1850.
Le dey hésite et tente vainement de discuter.
Le 5 juillet à 9 heures du matin, de Bourmont reçoit l’acte de capitulation signé. Aussitôt, l’ordre est donné aux unités de pénétrer dans la ville.
L’entrée du corps expéditionnaire français se déroule dans le désordre. Le palais du dey est investit dans l’optique de mettre la main sur son trésor.
Les habitants de la ville semblent résignés, c’est du moins ainsi qu’ils sont décrits par les français, notamment par Pélissier de Reynaud. Pourtant, de nombreuses familles se sont déjà enfuies par terre ou par mer. Les habitants qui sont restés dans la ville sont dans l’expectative.
Un peu avant 15 heures, vingt et un coup de canon tirés de la Provence saluent l’apparition des premiers drapeaux blancs et fleurdelisés sur la Casbah et sur les forts.
Le soir même, Bourmont installe son état-major et sa commission de gouvernement au palais du dey. Alger vient de tomber entre les mains des français. C’est le début d’une longue nuit coloniale.
Synthèse Z.M.
Sources :
- Pélissier de Reynaud : « Annales Algériennes. Tome I », édition de 1836
- George Fleury : « Comment l’Algérie devint française. 1830-1848 », Editions Talantikit 2012.
- Illustration à la une : Le dernier dey d’Alger, Hussein Dey, échangeant avec le général de Bourmont, après la prise d’Alger (1830).