Acteur, humoriste et écrivain, Mohamed Saïd Fellag est l’un des plus talentueux comédiens de son époque. Avec plus d’un tour dans son sac, il sait passer du rire au sérieux et vice et versa, entre spectacles, théâtre et cinéma.
Fellag est né le 31 mars 1950 à Aït Illoul (Azzefoun), en Kabylie. Lors du déclenchement de la révolution, il a à peine quatre ans.
En 1958, Fellag il s’installe à Alger avec l’un de ses frères et va à l’école primaire, à Cheraga. Il apprend le français et l’arabe dialectal. Uelques années plus tard, la famille se reconstitue à Tizi Ouzou où son père travaille dans le service de l’hydraulique.
Fellag s’ennuis à l’école. Passionné par le cinéma, il veut devenir acteur. Au collège, Madame Haouche, professeur d’anglais, ouvre un cours d’art dramatique et l’aide à préparer l’entrée à l’école du Théâtre national algérien. Et en 1968, il entre à l’Institut national d’art dramatique et chorégraphique de Bordj El Kiffan (Fort-de-l’eau à l’époque), placé jusqu’en1970 sous la tutelle administrative et financière du Théâtre national algérien. Il y étudie jusqu’en 1972.
Dorina Bentamar, professeur d’improvisation lui apprend tout ce qu’il ne faut pas faire et Maurice Sauvageot, professeur d’expression corporelle, adepte de la « lutte éducative », de 1966 à 1977, le révèle à lui-même et le surnomme Dullin. Il découvre les antiques et le théâtre de l’absurde.
Avec plusieurs camarades de promotion, il fonde une troupe au sein du ministère de la Jeunesse et des Sports. Ce groupe se heurte à des blocages et ne produira qu’une seule pièce Es Soussa (La vermine). Ses éléments rejoignent les théâtres régionaux nouvellement créées. Fellag, Sonia, Hamid Remas et Amar Mahsène atterrissent à Annaba où Sid Ahmed Agoumi venait d’être installé comme directeur du TRA. Déçu, abbatu et révolté, Fellag prend le chemin de l’exil. Il passe quelques années au Canada (Québec, puis Montréal) en faisant des petits métiers comme maçon, barman…
En 1983, il rejoint Paris. Il enseigne le français dans des écoles pour immigrés, monte un spectacle underground et fréquente assidument les théâtres. En 1885, il rentre à Alger et est engagé comme comédien au Théâtre national algérien. Il interprète le rôle principal dans L’Art de la comédie d’Eduardo di Filippo et bien d’autres pièces.
Après les émeutes d’octobre 1988, il monte Cocktail Khorotov, une satire de la société algérienne qui psse dans le Petit théâtre de Riad El Feth et qui est même diffusée à la télévision algérienne en septembre 1989. Le verrou de la pensée unique avait sauté, cédant la place à une liberté d’expression sans précédent.
Pour Fellag, le succès est au rendez-vous. Il multiplie les shows dans différentes régions du pays, puis à l’étranger. En 1990, le public découvre SOS Labès (Au secours, Tout va bien), une parodie des programmes de l’unique chaîne de télévision. Et en 1991, Babor l Australia (Un bateau pour l’Australie) où il est question des rêves des jeunes algériens, c’est la consécration. Le spectacle est joué plus de trois cents fois en Algérie, et donné pour la première fois à Paris en arabe algérien et en kabyle en mai 1991. Le spectacle est donné pendant un mois au Théâtre de l’Européen en Kabyle et en arabe algérien. Le 29 mai, quatre jours avant la représentation de Un bateau pour l’Australie, le président Boudiaf est assassiné sur la scène de la Maison de la culture d’Annaba. C’est le début d’une ère de violence. Les meurtres se succèdent, notamment celui du poète francophone Tahar Djaout. Fellag commence à prendre des notes pour écrire Délirium.
En septembre 1993, Fellag est nommé directeur du théâtre d’État de Bejaïa. Il entreprend, un an plus tard, une tournée en Algérie et en Tunisie avec son dernier spectacle, puis s’établit un temps en Tunisie où il monte Délirium. La pièce est jouée tout au long de l’année avant de partir en tournée en France, au Canada et aux Etats-Unis.
Mais en 1995, les menaces de mort incessantes le poussent à s’exiler en France. Cette même année, il écrit Djurdjurassique bled et commence à le jouer. Et l’année suivante, il joue Les Fils de l’amertume de Slimane Benaïssa. Fellag enchaine les dates sur les planches françaises avec différentes pièces et spectacles.
En 1998, il reçoit le Prix du syndicat national de la critique dramatique. Il publie des romans et des recueils de nouvelles, dont « Rue des petites daurades », éd. JC Lattès, Paris, 2001 ; « Comment réussir un bon petit couscous » suivi de « Manuel bref et circoncis des relations franco-algériennes », éd. JC Lattès, Paris, 2003 ; « Le Dernier Chameau et autres histoires », nouvelles, éd. JC Lattès, Paris, 2004, ou encore « Un espoir, des espoirs », éd. JC Lattès, Paris 2014.
En parallèle, Fellag tourne dans Inch Allah de Yasmina Benguigui et dans Fleur de sang de Myriam Mézières et Alain Tanner en 2001. Et en 2003, il reçoit le Prix Raymond Devos de la langue française. Et le Prix SACD de la francophonie.
En 2004, il monte Le Dernier Chameau, mise en scène de Patrick Sommier, qu’il fait tourner dans toute la France.
Revenant à la comédie, Fellag tourne dans « Voisins, voisines » de Malik Chibane (2005) et dans « L’ennemi intime » de Florent Emilio Siri (2007)
Son dernier spectacle, « Petits chocs des civilisations », prend le couscous comme prétexte pour « surfer joyeusement sur les graves sujets de notre temps ». Des sujets particulièrement d’actualité en ces temps de méfiances entre les communautés.
Synthèse Khadija T.
Sources :
https://www.fellag.fr/index.html
« Dictionnaire encyclopédique de l’Algérie », par Achour Cheurfi. Editions ANEP, 2007.