Le 1er février 1960 marque la fin de la Semaine des barricades à Alger, qui a démarré le 24 janvier. Les insurgés se sont rendus et le calme est revenu.
Retour sur cet événement déclenché par des ultras qui tenaient à l’Algérie française et qui étaient prêts à tout.
Au grand dam de la population européenne en Algérie, le général de Gaulle, président de la République Française, invoque, dans son discours du 16 septembre 1959, le « droit des Algériens à l’autodétermination ». Il propose trois solutions qui, en fait, ne satisfont personne : soit la sécession, c’est-à-dire l’indépendance de l’Algérie, soit la francisation, c’est-à-dire l’assimilation complète de l’Algérie comme un département français, soit l’association, c’est-à-dire une semi-autonomie algérienne avec un statut administratif français.
Le conflit algérien dure depuis déjà cinq ans. Pour la population française d’Algérie, mais surtout pour les militaires, ce discours est inacceptable car, pour eux, il est de fait la porte ouverte à l’indépendance pure et simple de l’Algérie.
Le 13 mai 1958, le général Massu prend la tête du putsch d’Alger, un mouvement insurrectionnel pendant lequel les partisans de l’Algérie française prennent d’assaut le siège du gouvernement général d’Algérie. Pour la population française d’Algérie, Massu est un héros. C’est lui qui, à la tête de la 10ème division parachutiste, avec des méthodes particulièrement musclées et agressives, a réussi à mettre le FLN à genoux en remportant la bataille d’Alger.
Massu fonde un comité de salut public dont il prend la tête. Ce comité accule la IVème République à ses responsabilités en exigeant du Président Coty la création d’un gouvernement de salut public. Ces évènements favoriseront directement le retour au pouvoir du général de Gaulle.
Le discours du 16 septembre 1959 est donc d’autant plus mal perçu que les militaires, dont Massu, se considèrent comme les artisans du retour au pouvoir de de Gaulle en qui ils avaient placé toute leur confiance. Ils ne lui pardonnent pas d’avoir retourné ces évènements à sa faveur exclusive.
Le 18 janvier 1960, le général Massu critique violemment la politique de de Gaulle en Algérie dans une interview accordée à un journal ouest-allemand. Ulcéré, de Gaulle le déchoit de son commandement algérien et le mute en métropole. Pour les partisans de l’Algérie française, le départ de Massu est la goutte d’eau qui fait déborder le vase.
Le 24 janvier 1960, trois fervents partisans de l’Algérie française, Jean-Jacques Susini, Pierre Lagaillarde et Joseph Ortiz, organisent une manifestation pour dénoncer la destitution de Massu. En fait, celle-ci n’est qu’un prétexte. Dans l’esprit de ses organisateurs, la journée du 24 janvier doit avoir un véritable caractère insurrectionnel. Dans les faits, elle va ouvrir une semaine houleuse qui est restée dans l’histoire sous le nom de « Semaine des barricades ».
Bien évidemment, la manifestation tourne rapidement à l’émeute. L’armée refuse toutefois de participer à une insurrection ouverte. Le général Challe fait rapidement savoir aux insurgés qu’il n’hésitera pas à faire tirer si les bâtiments du pouvoir sont menacés. Ortiz prend alors l’initiative de se replier sur le bâtiment de la Compagnie algérienne autour desquels il fait dresser des barricades. Il y prononce un discours de ralliement sans équivoque : « L’Algérie doit choisir, être française ou mourir ». De son côté, Lagaillarde fait de même autour de l’Université. Les barricades sont gardées par des hommes en armes, membres du Front National Français, et par des Unités Territoriales composées de réservistes participant au maintien de l’ordre. En fin d’après-midi, les gendarmes mobiles et les CRS reçoivent l’ordre de disperser les manifestants. La situation est extrêmement tendue. Un coup de feu éclate, puis un autre. C’est le début d’un affrontement armé nourri. On dénombre plus de vingt morts et près de deux cents blessés.
Pendant une semaine, jusqu’au 1er février 1960, la situation va être un cauchemar pour Paris. Car si l’armée ne s’est pas officiellement ralliée, on sait que beaucoup d’officiers sont favorables aux insurgés. Dans les faits, le général Challe n’a plus aucune autorité. Il va d’ailleurs être contraint de déplacer son quartier général hors d’Alger.
En coulisses, les négociations et les tractations s’engagent. Mais de Gaulle reste inébranlable et refuse que les insurgés réussissent à dicter leur loi à la République. Le 29 janvier, en grand uniforme, il prononce une allocution télévisée. Il condamne fermement les insurgés, et réaffirme le droit des algériens à l’autodétermination.
Finalement, les cadres de l’armée en Algérie choisissent de rester fidèle à l’autorité de Paris. Mais les militaires restent dans le doute, et sont profondément divisés entre leur devoir d’obéissance et leur soutien à la population française d’Algérie. Pour les civils, la fracture est également consommée entre la population française métropolitaine qui est lasse de la guerre et est favorable à l’autodétermination, et la population française algérienne qui se sent profondément abandonnée et trahie.
Le 1er février 1960, les derniers insurgés, privés de soutien politique et militaire, se rendent. Ils reçoivent les honneurs militaires du 1er Régiment Etranger de Parachutistes. Le général Challe est limogé. Les Unités Territoriales sont dissoutes, le Front National Français est partiellement désarmé.
Ortiz et Lagaillarde sont arrêtés, emprisonnés et jugés par un tribunal militaire de métropole. Le procès dit des « Barricades » débute en novembre 1960. Remis en liberté provisoire pour la durée des débats, les deux accusés s’enfuient en Espagne. En décembre, ils fondent l’OAS – Organisation Armée Secrète, avec Susini. Ils sont condamnés par contumace mais seront graciés par l’amnistie présidentielle de 1968.
Sources :