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Cela s’est passé un 27 janvier 1956, des intellectuels français en congrès contre la guerre d’Algérie

sartreLe Comité d’action des intellectuels contre la poursuite de la guerre en Algérie organisent un congrès à la salle Wagram dans la capitale française.

Le 27 janvier 1956, la salle Wagram accueille un congrès du Comité d’action des intellectuels contre la poursuite de la guerre en Algérie. A cette rencontre, présidée par Jean-Jacques Mayoux, interviennent entre autres Daniel Guérin, Alioune Diop, Michel Leiris, André Mandouze, Aimé Cézaire, Jean Dresch et Jean-Paul Sartre.

Ce Comité, fondé en novembre 1955 principalement par des ex-communistes, dont Robert Antelme, Dyonis Mascolo et Edgar Morin, a pour but de faire entendre leur voix et d’agir, en prenant quelques fois des risques sérieux, contre la poursuite de la guerre d’Algérie.

Lors de cette journée du 27 janvier, le journaliste littéraire Jean Amrouche, très émue, déclare : «il y a la France tout court, la France d’Europe, et l’autre, celle dont le colonialisme a fait un simulacre qui est proprement la négation de la France. C’est contre la France des colonialistes, contre l’anti-France, que les maquisards d’Algérie, mes frères selon la nature, ont dû prendre les armes, ces armes que la victoire seule, la victoire sur l’anti-France, fera tomber de leurs mains ». A cause de son allocution et de ses positions en général, Jean Amrouche sera licencié de Radio France deux années plus tard.

André Mandouze, invité par le Comité déclare à l’assemblée : « «Ce matin encore, j’étais à Alger et je vous apporte le salut de la résistance algérienne. Je viens du théâtre d’opérations. Il est partout et dans Alger même. Il y a des gens qui ne croient pas que dans les rues ils croisent l’armée de Libération nationale. Et si vous voulez l’exiger, demain, les négociations peuvent s’engager, demain les combattants peuvent discuter avec le gouvernement français, demain, alors pourront se réconcilier deux peuples…». Ces mots seront très mal pris par les partisans de l’Algérie française qui pensent qu’il est l’émissaire du FLN. Le 6 mars suivant, il sera molesté par des étudiants européens et ce sont des étudiants algériens qui le sortiront des griffes de ces jeunes ultras.

Quand à Jean Paul Sartre, il donne lors de cette rencontre un long discours réquisitoire contre le colonialisme. Selon ses propos, face aux actes commis par la colonisation, « les dirigeants du F.L.N. ont répondu : « Même si nous étions heureux sous les baïonnettes françaises, nous nous battrions ». Ils ont raison. Et surtout il faut aller plus loin qu’eux : sous les baïonnettes françaises, on ne peut qu’être malheureux. Il est vrai que la majorité des Algériens est dans une misère insupportable ; mais il est vrai aussi que les réformes nécessaires ne peuvent être opérés ni par les bons colons  ni par la « Métropole » elle-même, tant qu’elle prétend garder sa souveraineté en Algérie. Ces réformes seront l’affaire du peuple algérien lui-même, quand il aura conquis sa liberté. »

Sartre déclare aussi : «Il n’est pas vrai qu’il y ait de bons colons et d’autres qui soient méchants : il y a les colons c’est tout. Quand nous aurons compris cela, nous comprendrons pourquoi les Algériens ont raison de s’attaquer politiquement d’abord à ce système économique, social et politique et pourquoi leur libération et celle de la France ne peut sortir que de l’éclatement de la colonisation. » Et de poursuivre en racontant, en détails, comment la France de 1830 a agit dans cette terre et ce qu’elle a fait de ses habitants.

A la fin, il conclue en disant le colonialisme est la honte des français de la Métropole et que leur rôle est d’aider à l’éradiquer, tant en Algérie qu’ailleurs. «Les gens qui parlent d’abandon sont des imbéciles : il n’y a pas à abandonner ce que nous n’avons jamais possédé. Il s’agit tout au contraire, de construire avec les Algériens des relations nouvelles entre une France libre et une Algérie libérée. » Et enfin : « La seule chose que nous puissions et devrions tenter, c’est de lutter à ses côtés pour délivrer à la fois les Algériens et les Français de la tyrannie coloniale. »

Au mois de mars suivant, Sartre reprendra ses propos dans Les Temps Modernes, dans un article intitulé « Le colonialisme est un système ». Cet écrit marquera d’ailleurs le début de son engagement public pour l’indépendance de l’Algérie.

Les déclarations et les positions du Comité d’action des intellectuels contre la poursuite de la guerre en Algérie témoignent de leur position en porte-à-faux par rapport au milieu intellectuel qui ferme les yeux ou regarde ailleurs.

C’est ainsi que Camus, par exemple, qui avait lancé huit jours auparavant à Alger son Appel à la trêve civile (22 janvier 1956), refusera l’invitation du Comité, pensant que la guerre d’Algérie soulevait un problème humanitaire et n’admettait toujours pas la nécessité de l’indépendance à un moment où, dans le monde, tous les empires coloniaux se défaisaient.

Certains membres du Comité d’action des intellectuels contre la poursuite de la guerre en Algérie feront scission pour se rapprocher directement du FLN. On site entre autres Mandouze et Dresch.

D’autres intellectuels prendront position pour l’indépendance de l’Algérie et dénonceront publiquement la torture et les exactions qui y sont commises par l’armée française.

Khadija T.

 

Sources :

  1. « Le colonialisme est un système », par Sartre. In https://socio13.wordpress.com/2009/03/31/le-colonialisme-est-un-systeme-par-sartre/
  2. « André Mandouze 10 juin 1916 – 5 juin 2006 : Le guerrier de la paix », par Malika EL Korso 
  3. Maître de conférences, Bouzaréah université Alger 2. In Liberté du Lundi 12 juin 2012
  4. « La Guerre d’Algérie et les intellectuels français », publié par Jean-Pierre Rioux, Jean-François Sirinelli. Editions Complexe, 1991
  5. https://www.live2times.com

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