Le meilleur symbole de l’importance de l’olivier se trouve certainement sur le drapeau de l’ONU, où la carte du monde est placée dans une couronne de rameaux d’olivier. Il tirerait cette position honorifique de son origine géographique de la Méditerranée considérée comme le lac de la paix, mission principale, par ailleurs, de l’institution internationale. C’est dire si l’olivier est un patrimoine de l’humanité.
Si l’olivier est aujourd’hui principalement cultivé dans les régions de la Méditerranée, sa présence, selon le linguiste Mohand Akli Haddadou, est attestée au Sahara où il est désigné par ahatim (du phénicien : zytim), comme en témoigne les oliviers fossilisés du Hoggar. Historiquement, les travaux des archéologues feraient même remonter les origines de sa domestication entre 3800 et 3200 avant Jésus-Christ. C’est aussi une des plantes les plus citées dans la Bible : Noé accueillit la colombe tenant dans son bec un rameau d’olivier et lui annonçant la fin du Déluge.
De Noé à la Soummam
L’étude génétique des populations d’oléastres et des variétés d’olivier montre cependant que cette domestication s’est produite dans plusieurs régions du bassin méditerranéen, et s’est très probablement réalisée sur une longue période. Athènes en a adopté le symbole pour ses armoiries. Mieux, Sophocle dans son «Oedipe à Colone» écrit : « Il est un arbre dont je n’entends pas dire qu’ait germé son pareil, soit en terre d’Asie, soit dans la grande île dorienne de Pélops ; arbre invaincu, arbre qui renaît de lui-même, terreur des lances de l’ennemi ; il croît surtout en ce pays : c’est l’olivier aux feuilles pâles, nourricier des enfants».
Depuis ces temps immémoriaux, l’olivier est considéré comme l’arbre fétiche des Berbères qui le nomment azemmur, dérivé peut être du verbe zmer qui signifie «pouvoir, être fort, résistant». C’est que cet arbre pas trop exigeant a besoin de chaleur, d’étés chauds et secs, et aussi de froid et de pluies sans pour autant supporter le gel. Craignant l’humidité, il supporte les sols assez pauvres et secs. Et c’est ce climat que l’on retrouve tout autour de la Méditerranée. Quand on interroge les habitants de ces contrées montagneuses sur leur résistance physique, ils ne manquent pas de citer l’huile d’olive comme principale source de force et de bonne santé.
On pourrait ainsi citer encore des textes célèbres où l’olivier est non seulement cité mais aussi vénéré, admiré, vanté. De la Grèce à l’Algérie, nous sommes entourés d’oliviers. D’ailleurs, chaque fois qu’un citadin ou un émigré fait une virée en Kabylie, il se fait un point d‘honneur de ramener dans ses bagages, tel un trophée de chasse, quelques litres de cette huile d’olive particulièrement recherchée pour mijoter de bons petits plats ou guérir certaines allergies respiratoires. Cette denrée, disponible bon an mal an au gré de la météo, sert aussi d’onguent et de produit de massage. La feuille d’olivier ou d’oléastre quant à elle, prise en tisane le soir au coucher soignerait le cholestérol et surtout l’hypertension artérielle. Mieux, il existe, comme pour le vin, des amateurs qui la recherchent pour ses lettres de noblesse. Et dans cette optique, les variétés d’huiles d’olive sont classées en appellation d’origine contrôlée.
Un symbole d’appartenance au terroir
Car si en Algérie, la production d’huile d’olive a connu pendant de longues décennies, des déboires dus à une prise en charge artisanale voire traditionnelle, elle n’a jamais été déniée d’intérêt. Même ne possédant qu’un seul olivier chétif, le montagnard de Kabylie ou du Djidjelli l’entoure d’une affection relevant de la même teneur sociologique que le burnous, autre symbole fort de la parole donnée aux ancêtres. Le film « L’opium et le bâton », scénarisé par Mouloud Mammeri d’après son oeuvre, reflète l’étroite corrélation de l’amour que portent les Kabyles pour leurs oliviers auxquels ils sont attachés, au sens propre et figuré, préférant être exécutés à la place de ces arbres millénaires qui portent la mémoire d’une région et d’une communauté.
L’olivier, l’olive et l’huile d’olive s’inscrivent dans une tradition culturelle en tant que civilisation par excellence et symbole de la paix. Les Romains implantèrent des oliveraies en Espagne, en Algérie et en Tunisie, favorisant ainsi la diffusion de cet arbre dans tous les pays méditerranéens où il fait partie depuis cette époque du patrimoine socio-économique et culturel.
Retrouver ses racines
La culture de l’olivier occupe dans le monde 8,6 millions d’hectares. Selon la FAO, les quatre premiers pays producteurs (Espagne, Italie, Grèce et Turquie) représentent 80 % de la production mondiale d’olives et les 10 premiers de ce classement, tous situés dans la zone méditerranéenne, 95 %. L’Algérie, sur une surface cultivée de 178 000 hectares et un rendement de 16,9 quintaux à l’hectare et une production annuelle de 300 000 tonnes, occupe la 9ème place mondiale. En effet, après quelques années de disette due à la sécheresse, l’olivier a repris des forces grâce à une intense pluviosité. De mémoire, on s’accorde à dire que l’année 2003/2004 a été généreuse en pluies et neige.
« En Kabylie, lorsque nous voyons les oliviers plier sous le poids du fruit, nous retrouvons notre terre… comme nous l’avions connu quand on était jeunes » nous confiera Da Amer, un villageois septuagénaire encore vigoureux. C’est un bonheur inégalable qui se lit sur son visage creusé de sillons comme son minuscule lopin de terre, là bas près de la rivière.
A suivre…
Farid MOKDAD
Sources :
- « Almanach berbère aseggwes imazighen », de Mohand Akli Haddadou, Inas éditions 2002.
- Presse nationale : El Watan, La Tribune
- Site internet : Wikipédia.
- Illustration : photographie des Oliviers de Ligurie, Italie