La propagande de l’image fait rage dans l’occident du XX eme siècle, et de nouveaux moyens remplacent les anciens (gravure, peinture de guerre), dans la formation d’un imaginaire colonial, visant à justifier ainsi, l’expansion des empires coloniaux.
Publicité, affiches : L’esclavage a été aboli en France en 1794 mais cela fut mis en place seulement en 1848 et outre-Atlantique seulement en 1868. De quoi laisser des clichés et des habitudes bien tenaces dans les mœurs. Cliché de la domination de l’homme blanc sur le noir serviteur. La plus célèbre des publicités de l’époque, le slogan « y’a bon », moquerie du piètre français des hommes noirs, est supprimé seulement en 1977 ! Beaucoup, dans les années 1970 se sont dressés contre cette marque qui diffusait un stéréotype de l’homme noir au sourire niais et enfantin, incapable de s’exprimer correctement en français et inspirant la caricature de l’homme noir. Les habitudes et les statuts évoluent très lentement et l’homme noir reste serveur et soumis à l’homme blanc, on le voit très clairement dans la publicité. La publicité joue aussi sur les critères physiques de l’homme noir, en cela elle se rapproche de la caricature. La publicité se fait donc par des affiches et s’inspire de certaines caricatures. La publicité joue même sur le préjugé du cannibalisme.
Caricatures : l’Homme noir est souvent représenté avec de grosses lèvres, un nez imposant, un sourire niais et enfantin. La
bande dessinée la plus célèbre est sans aucun doute Tintin au Congo de Hergé, où l’image de l’homme noir qui y est véhiculée peut nous paraître choquante mais demeure malheureusement tout à fait normale pour l’époque. Le noir est au service de l’homme blanc, ici Coco et les noirs au service de Tintin. Mais Hergé représente également l’homme noir soumis à l’homme blanc. Enfin il représente les « difficultés de langages » des noirs et la mission civilisatrice des blancs.
Manuels scolaires : On forme les enfants dès le plus jeune âge, à l’idéal colonial basé sur la supériorité de l’homme blanc. Les enseignants ont pour indications pédagogiques de louer la colonisation. Dans retrouvons dans un guide de l’enseignant de 1913 l’annotation suivante : « Nous tenons à insister dès maintenant sur la nécessité de faire, dans l’enseignement géographique élémentaire, une large place à l’étude de notre empire colonial. » Des leçons schématisés, mettent en scènes des enfants blancs, arabes et noirs, insinuant explicitement les difficultés de compréhension de ces derniers (souvent assimilés à des ânes), et la supériorité de l’enfant blanc sur eux.
Music-hall : Joséphine Baker
Depuis sa création, le cinéma ne cesse de se développer. En 1895 Auguste et Louis Lumière tournent leur premier film et la première projection a lieu le 28 décembre. Depuis le nouvel art se développe et devient un moyen de diffusion précieux pour la propagande colonialiste mais aussi pour l’incitation au voyage « exotique ».
Littérature : la littérature n’est pas en reste, Maupassant avec son « Marocca« s’inscrit dans la lignée des écrits exotiques, favorisant le rêve des contrées lointaines, incitant ainsi le lecteur à y séjourner, voire à y vivre… Un autre mouvement sous-jacent de la littérature coloniale, et qui évoque « l’ailleurs » de façon moins esthétique, mais plus intéressée, et auquel participent des écrivains tel qu’Ernest Renan, qui précise dans sa réforme intellectuelle et morale de la France publiée en 1871, que les conquêtes d’outre-mer sont d’ une nécessité de premier ordre : « La conquête d’un pays de race inférieure par une race supérieure n’a rien de choquant… Autant les conquêtes entre races égales doivent être blâmées, autant la régénération des races inférieures par les races supérieures est dans l’ordre providentiel de l’humanité. ».
Discours : C’est la plateforme privilégiée de la propagande; ainsi Jules Ferry, un partisan actif de l’expansion coloniale française évoque dans ses débats des 28 et 30 juillet 1885 : « Messieurs, il faut parler plus haut et plus vrai ! Il faut dire ouvertement qu’en effet les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures. (…) Je répète qu’il y a pour les races supérieures un droit, parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures.. « . Par ailleurs, les prises de parole à l’ouverture de l’exposition coloniale de 1931, se veulent clairs, et s’annoncent sans détours; et le prince Scalea, un des délégués étranger le confirme en remerciant la France et les Blancs en ces mots : « l’odyssée homérique de la race blanche qui, ayant atteint désormais chaque coin du monde, a transformé et transforme continuellement des continents barbares en régions civilisées. »
Presse : Le racisme et la misogynie sont présents dans la presse de façon ordinaire pour la période évoquée. Par exemple le texte publié par le Petit Comtois (pour ne citer que lui) à l’occasion de l’Exposition de 1889 s’exprime en ces termes : « bamboulas » pour évoquer les noirs africains; et dire qu’il se montre méprisant et dédaigneux à l’égard de leurs femmes n’est qu’un euphémisme : « des femmes qui exciteraient l’hilarité des guenons. »; banalisant ainsi, cette exposition de la honte.
Photographie : Dans les années 1890, la photographie tend à remplacer l’image gravée ; son utilisation massive dans les années 1930 en fera un réel outil de propagande visant à la formation d’un imaginaire colonial, permettant de diffuser les actions « civilisatrices » des missionnaires et fonctionnaires. Ces photographies seront utilisées dans des revues et les brochures publiées par le gouvernement afin d’offrir une image positive de la colonisation.
Mira B.G
Source :
- « L’apothéose coloniale » : regard sur l’imagerie officielle de l’Exposition coloniale de 1931 à Paris, dans le cadre du cours : Images de colonies : analyse historique, Département des sciences historiques Faculté des lettres Université Laval
- Retrouvez la première partie sur Babzman : https://www.babzman.com/2014/la-montee-en-puissance-de-limagerie-coloniale-au-xix-e-siecle/