Un conte merveilleux, Dieu le rende plaisant, semblable à un ruban de soie, long comme une poutre de toiture…
Il était une fois, un jeune homme dont la femme, en mourant, laissa un fils encore jeune. Son père ne se remaria pas, afin d’en prendre soin. Des années s’écoulèrent, et l’heure de la mort survint; il dit alors à son fils :
« Fils, tu n’as personne qui te soit proche, personne! Ne te fie en rien à des amis. Fais comme moi, tu réussiras!
– Bien, dit le fils. »
L’homme mourut, on l’enterra. Et son fils resta seul. Un jour, des amis de son père vinrent l’appeler :
« Hé! Un tel!
– Oui?
– Ouvre-nous la porte, nous sommes des amis de ton père.
– Mon père, répondit-il, il n’a laissé aucun ami.
– Allons, allons! Reprends-toi! nous sommes de vieux amis de ton père : nous le connaissions… »
Il leur ouvrit finalement la porte : « Soyez les bienvenus! » Dit-il
Il les introduisit dans la chambre d’invités, fit tuer un mouton, les reçu avec faste, à la semoule de blé. Pendant qu’on préparait le repas, l’un des invités dit : « jouons aux cartes en attendant le souper.
– Volontiers », dirent-ils.
Ils jouèrent, jouèrent, lui prirent un de ses champs. Ils continuèrent, lui prirent un deuxième champs; après il gagnèrent sa maison, et finirent par prendre sa femme en fin de partie.
Ils s’arrêtèrent de jouer et prirent le repas du soir; puis s’en allèrent, emmenant la femme avec eux.
Le lendemain, le jeune homme à peine levé, se rendit sur une colline sur laquelle se trouvait une grande roche; il s’assit près d’elle et se mit à pleurer. Au bout d’un moment, apparut le Roi des Génies : « pauvre créature! j’ai entendu des pleurs. Me voici, que veux-tu?
– Bon seigneur, répondit-il, j’ai hélas! fais hier ce que personne ne fait : j’ai joué ma femme aux cartes!
– Ta femme te reviendra, dit le Roi des Génies. Je vais te donner ce qu’il faut pour cela, mais jure moi que tu reviendras me voir. Il lui donne une carte :
– Retourne, dit-il, jouer avec eux : tu retrouveras tous tes biens, et même ta femme;
– Bien! » dit-il
Il alla ensuite, appeler ceux qui lui avaient pris sa femme : « je veux jouer encore avec vous dit-il. Venez finir la partie.
– Que veux-tu que nous prenions maintenant? Tes champs, ta maison, tu les as perdus, et tu as même joué ta femme.
– Eh bien! je deviendrai votre domestique, dit-il.
– Alors allons-y », répondirent-ils.
Ils se mirent à jouer : au bout de quelques heures, il leur avait repris le champ, sa maison, et enfin sa femme. Il ramena celle-ci à la maison, et en arrivant, il dit : » par Dieu, il faut que je retourne chez le Roi des Génies qui m’a donné cette carte pour te reprendre et récupérer tous mes biens.
– N’en fais rien », dit sa femme.
Il ne l’écouta pas, et le lendemain, il retourna au rocher et s’assit. Bientôt les filles du Roi des Génies sortirent, sous l’apparence de colombes : elles allaient au bain. La plus jeune demanda : « Qui es-tu, toi, là?
– J’attends le Roi des Génies pour lui parler.
– Va-t-en l’ami, s’il sort il te dévoreras. Ce n’est pas la peine de rester ici.
– J’ai juré de revenir.
– Alors, dit-elle, prends-moi deux plumes et mets-les sur ton cœur. Quand il viendra, il te dira « procure-moi un œuf du septième ciel ». Réponds-lui : « C’est entendu ». Tu passeras mes plumes, et tu auras tout ce que tu voudras. «
Le Roi des Génies arriva :
» Trouve-moi, commanda-t-il, un œuf du septième ciel.
– Parfait « , répondit le jeune homme.
Il pressa les plumes qui étaient sous son habit, et un œuf se trouva devant lui.
« Tu vas, dit le Roi des Génies, épouser l’une de mes filles. Je vais les mettre dans un puits : tu étendras la main, et celle qui te la prendra, tire-là ».
Il étendit le bras : ce fut la plus jeune qui lui prit la main. Il la tira au dehors. Mais le Roi des Génies se rétracta :
« Non, dit-il, je ne te donne pas la plus jeune, recommence! »
Le jeune homme étendit le bras une nouvelle fois : la plus jeune saisit la main de nouveau.
« Cette fois, cela suffit! dit le Roi des Génies, je te la donne. »
Mais il dit à sa femme : « Avoir donné ma fille à cet homme ne me plaît pas. Ce soir, prépare leur lit tout près du puits : place l’homme tout près de l’ouverture du puits, et mets ta fille de l’autre côté. »
la femme prépara le lit comme convenu. Quand la jeune fille arriva, elle dit à son mari : « Attends que je refasse le lit ».
Elle retira la natte et les couvertures. « Tu vois la fourberie de mon père : il voulait te faire tomber dans le puits! »
Elle refit le lit et ils dormirent jusqu’au matin… A suivre
Mira B.G
- Propos recueillis par B.Babaci
- Conte adapté du Kabyle par Malika Ait Belkacem
- Illustration : « Arabes jouant aux échecs », E. Delacroix, 1847