Titrée “Carnets intimes”, cette œuvre de 380 pages est un montage de recoupements de Taos Amrouche, entre les années 1953 et 1960.
Sublime dans ses retranscriptions, elle a eu la faculté de convertir ses pulsions, parfois autodestructrices, en “ciment” créatif. Dans ce journal intime, entamé alors qu’elle avait 40 ans, elle a préféré se confier à sa plume pour retracer ses moments énamourés et de bonheur et des passages d’abattement.
En demi-teinte, elle a relaté le coup de cœur pour l’écrivain français, d’origine italienne, Jean Giono, alors qu’elle était mariée au peintre André Bourdil. Une relation marquée par un bien-être mêlé à des moments de controverse, d’incrédulité et d’appréhension. Une affinité ardente qui a eu un aboutissement triste.
Elle a ainsi mis sa sensibilité au service de son œuvre pour partager ses tourments avec le monde, voire avec ceux qui n’ont ni vu ni senti ce qui couvait en son fort intérieur. Néanmoins, Taos Amrouche a, à travers cette œuvre, mis en exergue tout ce qui faisait partie de son âme : sa relation avec Jean Giono, son idolâtrie pour l’écriture, sa ferveur pour les chants et poèmes de la Kabylie et, à plus fort degré, son engagement pour la métempsycose de la langue amazighe.
Extrait (P206 – 207) :
« Et il soulève mes jupes et me caresse follement.
– Oh ! Vois, je suis en eau ! lui dis-je plaintivement (…).
Il m’a renversée comme on renverse une marguerite, jupes par-dessus tête (…). Il m’a prise, il était debout et moi penchée en avant, croupe tournée vers lui mais par l’issue normale… C’était vertigineux avec cette porte qui brusquement pouvait s’ouvrir et ce temps mesuré (mon train partait dans moins d’une heure et mes paquets n’étaient pas rassemblés) !
Il s’est retiré… Je me suis redressée et tournée vers lui pour le regarder. Il était beau comme un soleil… (…)
– Je n’ai pas joui, dit-il… Tu peux partir tranquille ! »
R. S.
Source : Liberté- Algerie