Le 22 octobre 1956, la France commet le premier acte de piraterie de l’histoire de l’aviation civile en interceptant l’avion des cinq dirigeants du FLN.
Les dirigeants du Front de libération nationale, Ahmed Ben Bella, Mohamed Khider, Mohamed Boudiaf, Hocine Ait Ahmed et le journaliste et intellectuel, Mustafa Lacheraf, sont reçu par le roi du Maroc, Mohammed V, à Rabat, le 20 octobre 1956. Leur discussion est principalement axée sur la conférence de Tunis à laquelle ils doivent tous participer deux jours plus tard. Cette conférence doit accueillir les responsable du FLN et les présidents tunisien et marocain autour de la même table, avec comme objectif « modifier l’équation politique en Afrique du Nord », afin que la question algérienne devienne une affaire maghrébine.
Le 22 octobre, les chefs historiques et Mustafa Lacheraf s’apprêtent à prendre le même avion que le roi du Maroc, mais à la dernière minute, un changement survient. Le roi prendra un avion spécial qui survolera l’Algérie, pendant que les dirigeants du FLN prendront place à bord d’un DC3 de la compagnie Air Atlas, avec à bord des journalistes et un grand malade qui doit être hospitalisé à Tunis. L’appareil doit survoler la Méditerranée (évitant l’espace aérien algérien) pour ne prendre aucun risque.
Beaucoup d’encore coulera sur ce changement de dernière minutes, allant jusqu’à porter des accusations contre la partie marocaine. Pourtant, Aït Ahmed, affirme dans une émission de Medi1-Sat (2008), que c’est lui-même qui a demandé ce changement craignant de faire « prendre des risques » au roi en le faisant voyager dans le même appareil que les dirigeants du FLN qui étaient recherchés par les services français. Ben Bella, de son côté, affirme que le changement est dû au fait que le Roi voyageait avec son épouse.
Le DC3 décolle donc avec du retard et atterrit aux Baléares, alors que l’escale n’est pas au programme du vol. Certains pensent que c’est à ce moment qu’ont lieu des tractations entre les membres de l’équipage et les services secrets français. Quoi qu’il en soit, la décision d’intercepter l’appareil est prise avec l’aval du secrétaire d’Etat à la guerre chargé de suivre les opérations militaires en Algérie, Max Le Jeune, du directeur de cabinet du ministre de la Défense, Abel Thomas, et du ministre-résident gouverneur de l’Algérie, Robert Lacoste.
A 16 heures, l’armée française prend contact avec l’équipage qui est entièrement français et lui intime l’ordre de poser l’appareil à Alger. L’avion tourne en rond jusqu’à la nuit tombée pour arriver à Alger à l’heure prévue pour Tunis, avec la complicité de l’hôtesse de l’air. Et lorsque Ben Bella demande si c’est Tunis, à la vue des lumières d’une grande ville, l’hôtesse répond par l’affirmative.
L’équipage s’enferme dans la cabine de pilotage lorsque que commence la descente. Et file par une issue de secours quand l’appareil se pose sur le tarmac de l’aéroport d’Alger.
Les passagers, plongés dans le noirs, sont surpris par le bruit de soldats armés jusqu’aux dents qui s’engouffrent dans la cabine. Ahmed Ben Bella, Hocine Ait Ahmed, Mohamed Boudiaf, Mohamed Khider et Mostafa Lacheref sont encerclés, puis menottés et emmenés au salon de l’aéroport qui fourmille de militaires et d’agents des services de sécurités français.
Les cinq leaders sont, par la suite, embarqués dans un véhicule militaire et escortés jusqu’à Bouzaréah, au siège de la direction de la surveillance du territoire (DST) pour subir un interrogatoire.
Ils seront transférés en France et détenus dans différents lieux : la prison de la Santé, l’île d’Aix, le château de Turquant et enfin, à Aulnoy, où ils ont été maintenus jusqu’à l’indépendance du pays en 1962.
Face à leurs bourreaux, les dirigeants du FLN diront : « Ce n’est pas l’arrestation de quelques dirigeants ou responsables qui mettra fin à un mouvement d’envergure issu des profondeurs du peuple ». Effectivement, la révolution se poursuivra avec plus de fermeté.
De son côté, la France, en détournant cet avion, commettra le premier acte de piraterie de l’aviation civile qui sera désavoué par une grande partie de la gauche française et par l’opinion internationale.
Z.M.
Sources :
« Détournement de l’avion du FLN », magazine du cinquantenaire : Ministère des Affaires Etrangères- APS Cinquantenaire de la diplomatie algérienne 1962-2012.
www.memoria.dz
https://lequotidienalgerie.org