Écrivain, poète, journaliste et directeur de la rédaction de l’hebdomadaire Ruptures, Tahar Djaout est victime d’un attentat terroriste le 26 mai 1993. Il succombe à ses blessures après huit jours de coma. Il est le premier journaliste assassiné durant la décennie noire.
Le 26 mai 1993, Tahar Djaout quitte son domicile, à Bainem, à neuf heures du matin. Alors qu’il met en marche le moteur de sa voiture, un jeune tapote sur sa vitre. Son assassin pointe sur lui le canon d’un pistolet, puis tire sur lui. Deux balles dans la tête.
Tahar Djaout est ensuite extirpé de son véhicule et celui-ci utilisé par l’assassin dans sa fuite, en compagnie d’autres complices.
Des voisins donnent l’alerte et les secours arrivent bientôt sur les lieux. Tahar Djaout est déjà dans le coma. Evacué vers l’hôpital de Bainem, il succombe à ses blessures une semaine plus tard, soit le 2 juin. Il sera enterré le 4 juin dans son village natal d’Oulkhou, laissant derrière lui trois filles et une veuve enceinte de leur quatrième enfant.
« Alors l’idée même d’oasis sera ensablée, et ne demeurera que le tact des récifs nous ballottant dans une errance noire et indénombrable » (Tahar Djaout, Insulaire, 1980).
Mais de Tahar Djaout il ne reste pas que des phrases prémonitoires. En plus de ses romans, poésies, chroniques et articles, il reste un combat. Celui de la liberté et de la dignité. C’est ainsi qu’il emprunte ces mots à un poète palestinien :
« Le silence c’est la mort,
Si tu parles, tu meurs,
Si tu te tais, tu meurs
Alors dis et meurs ! »
Tahar Djaout est un Intellectuel généreux, dans tous les sens du terme. Mais dans un macabre recensement, il est le premier journaliste algérien assassiné durant la décennie noire.
Il est né en 1954 à Oulkhou, petit village à 400 m de la mer, à vol d’oiseau, et à 15 km d’Azzefoun, cette petite ville qui a vu naître l’artiste peintre M’hamed Issiakhem, le grand maître inégalé de la chanson chaâbi El Hadj M’hamed el-Anka, le poète Bachir Hadj Ali, ou encore le compositeur Mohamed Iguerbouchen.
Quelques années après sa naissance, sa famille s’installe à la Casbah d’Alger.
En 1971, il a 17 ans et entame déjà sa quête poétique. Après des études en mathématiques et une licence de Sciences de l’information, il fait son entrée dans le journalisme. D’abord comme critique littéraire à El Moudjahid. C’est d’ailleurs à cette époque que sont publiés ses premiers textes et poèmes dans Le journal des poètes, Marginales, Alif, Promesses, puis en recueils, dont Solstice Barbelé en 1974, L’Arche à vau-l’eau, en 1975. En 1977, il commence sa collaboration à la revue Actualité de l’émigration, sous un pseudonyme.
Avec d’autres collègues à l’hebdomadaire Algérie-Actualité, au début des années 80, il verse vers un journalisme culturel d’opinion. Ses écrits – dossiers, interviews, portraits- révèlent les artistes peintres, les créateurs, les écrivains… Il remet au devant de la scène des noms qu’on ne site plus, comme Jean Amrouche, Mouloud Feraoun, Bachir Hadj Ali, Mouloud Mammeri… Et en fait connaitre d’autres, plus jeunes, toujours avec le même objectif : restitution d’une mémoire et d’une filiation à la culture algérienne dont il dit « qu’elle a été faite en marge du pouvoir ».
Après octobre 88, il s’engage plus clairement et devient un « intellectuel dérangeur » à travers ses chroniques sociales et politiques.
En 1992, il quitte Algérie-Actualité pour fonder, avec d’autres compagnons, un nouvel hebdomadaire, Rupture, dont le premier numéro paraît le 16 janvier 1993. Le numéro 20 vient tout juste de paraître lors de cet attentat meurtrier perpétré contre lui, le 26 mai 1993.
Z.M.