Figure emblématique du mouvement réformiste musulman en Algérie, Abdelhamid Ben Badis est décédé le 16 avril 1940. En hommage à sa mémoire, cette date devient le jour du savoir dès 1976.
Né à Constantine, le 5 décembre 1889, Abdelhamid Ben Badis a appris le Coran à l’âge de treize ans. Placé sous le préceptorat de Hamdan Benlouniss, adepte de la confrérie mystique des Tidjâniyya, qui marquera durablement sa jeunesse. De son maître il retient d’abord une belle phrase : « Apprend la science pour l’amour de la science, non pas pour le devoir ». Il lui promet, par ailleurs, de ne jamais devenir fonctionnaire pour le compte de l’Etat colonial, la France.
C’est à l’âge de 20 ans que Ben Badis fait son premier voyage pour la science. Ses pas le mènent à la prestigieuse Université Zeitouna à Tunis. Il y rencontre beaucoup de savants et élargit sa pensée. Il est influencé, entre autre, par Tahar Ben Achour, adeptes du mouvement salafi- réformiste musulman prônant le retour à un Islam purifié de toutes les déformations qui l’avaient dénaturé. Ce mouvement s’était répandu dans la deuxième moitié du XIXè siècle au Proche-Orient et en Egypte.
Il obtient son diplôme en 1912 et enseigne pendant une année à la Zeitouna, comme s’est d’usage dans cette institution. De retour en Algérie, il enseigne à la mosquée « Djamaâ El Kebir » quelques temps et reprend le chemin du savoir. Vers la Mecque et Médine cette fois-ci. Pour accomplir le pèlerinage et pour donner des cours au Masdjid Ennabaoui pendant trois mois. A cette époque, le mouvement réformiste rigoriste wahabites est en plein essaor dans les lieux saints. Sa rencontre avec Mohamed El Bachir El Ibrahimi est capitale pour la réforme de la pratique religieuse en Algérie.
Il revient à Constantine et se consacre pendant plusieurs années à l’enseignement de la littérature, de l’histoire, de la géographie… pour les jeunes (filles et garçons) et pour les adultes. Sous son impulsion, des centres culturels voient le jour un peu partout, pour l’apprentissage de la musique et la pratique théâtrale. Puis il se concentre sur la pratique religieuse et sa réforme, comme c’est le cas de plusieurs intellectuels réformistes à Constantine, Alger et Tlemcen. L’objectif ambiant est de mettre fin à des pratiques que les réformistes jugent contraires à l’Islam originel. Ils dénoncent entre autre les procédés obscurantistes d’un certain nombre de confréries religieuses, et de personnages considérés comme saints en raison de leur piété ou de leur ascendance. Ils dénoncent également la mainmise de l’administration coloniale sur le culte musulman.
Le réformisme se développe entre les deux Guerres mondiales, trouvant son inspiration dans la pensée et l’action de Mohammed Abdou et Rachid Rhéda et subit largement l’empreinte du rigorisme wahhabite.
Dès 1925, il publie Al Mountaqid (le Censeur), journal critique dans lequel il amorce un travail profond de prise de conscience nationale. Jugé subversif, l’administration coloniale l’interdit au bout de 18 numéros. Ben Badis lance alors «Achihab» (le météore) puis «El-Bassaïr» (visions d’avenir) où il contribue à faire renforcer dans les plus larges masses les concepts du nationalisme, de l’arabisme et de la fidélité a l’Islam, les trois piliers de la personnalité algérienne selon lui.
En 1931, il fonde l’Association des Oulémas d’Algérie, qui compte plus de 70 écoles à cette période (leur nombre passe à 124 en 1950).
Il déploie une activité constamment entravée par l’administration coloniale et participe au Congrès musulman d’Alger en juin 1936 qui réuni les principales mouvances politiques du pays, à l’exception des indépendantistes, réclamant vainement l’octroi de la nationalité française sans abandon du statut personnel, pour une élite de 20.000 Algériens, qui pourraient ainsi participer aux différentes élections avec le collège des Européens « pieds noirs ».
En 1939, Ben Badis fonde un club de football, le Mouloudia Ouloum de Constantine (MOC).
Abdelhamid Ben Badis meurt le 16 avril 1940, à Constantine. Des algériens des quatre coins du pays rejoignent la ville et une foule immense l’accompagne à sa dernière demeure.
En 1976, en hommage à Ben Badis, la journée du 16 avril devient la journée nationale du savoir.
Zineb Merzouk