El Buqala est à l’origine une pratique divinatoire, devenue un jeu accompagné de courts poèmes, récités ou improvisés, pour être à la fin interprétés comme des présages.
Le jeu d’el Buqala était très en vogue dans les vielles cités historiques d’Alger et ses environs, Koléa, Cherchell, Miliana, Blida, Médéa, mais aussi Dellys et Bougie. Si la présence de la pratique est attestée dès le XVI e siècle en Algérie, il convient de creuser dans le fond des rituels magiques méditerranéenne pour en trouver l’origine, et non dans les pratiques divinatoires turques qui ressemblent au jeu de la buqala, mais qui elles, admettent les hommes.
El Buqala est également signalée en Tunisie, où le jeu aurait disparu après la première guerre mondiale, pour réapparaître récemment dans certains milieux néo-citadins.
Le jeu de la buqala est pratiqué par les femmes, toujours de nuit, et de préférence la veille du mercredi, vendredi et dimanche. L’élément essentiel, et qui a donné son nom à la pratique : c’est le récipient de terre à deux anses, rempli d’eau, que l’officiante, généralement une femme âgée, tient en équilibre sur ses deux pouces tendus à hauteur du visage.
Le Kanoun est important aussi, car il sert à la fumigation en début de cérémonie d’herbes aromatiques ou de feuilles odorantes (henné, laurier-rose…) , se trouvant dans le récipient.
L’officiante peut débuter le jeu…Elle fait une invocation qui commence toujours par un appel à dieu. Les autres thèmes du rituel sont simples : les participantes nouent leurs ceintures (pour les filles vierges) ou un mouchoir (pour les femmes mariées); le nœud subsiste pendant tout le temps de la récitation, pendant laquelle les joueuses, pensent à une personne…
Les poèmes dits, on les interprète et on tire des présages s’appliquant à la personne évoquées en pensée; et pour les vérifier on examine le récipient toujours tenu en équilibre sur les pouces : s’il bascule vers la droite, l’interprétation est vraie; s’il bascule vers la gauche, elle est erronée .
D’autres rituels peuvent être observés, comme celui qui consiste à jeter dans le récipient rempli d’eau, des bijoux appartenant à plusieurs assistantes. Le poème s’appliquera à la propriétaire du bijoux, ou de l’objet qui sera retiré en premier de la Boqala.
Plusieurs auteurs ont recueilli un corpus de jeu de bwaqal anciens. Le jeu a par ailleurs fait l’objet d’une série d’émissions radio-phoniques à Alger en 1974/75, et a connu un durable succès, contribuant ainsi à la renaissance de cette pratique ancestrale, devenue un simple jeu par l’extirpation de son caractère magique antérieur, et par la valorisation de la littérature orale.
Mira B.G
Sources :
- S. Bencheneb « du moyen de tirer des présages au jeu de la Boqala« , anales de l’Institut d’Etudes Orientales , Alger, 1955
- L’encyclopédie berbère, X
- O. Aissa, « Le jeu de la Boqala, poésie divinatoire« , cahiers du Sud, 1947, P 334-339
- Illustration : photographie, femme prenant le café, 1875, Alger.
1 commentaire
A ce propos,rendons hommage à Mr Kaddour M’hamsadji,auteur du »Jeu de la boûqâla », édité en 1989 (Éditions O.P.U),épuisé,puis réédité en 2002,et encore en 2003 ! Un très bel essai,ou nous pouvons découvrir cet art perdu.