Le nom collectif de Maures (Morisques, Morisiens, Mauritaniens) désigne à l’origine les natifs de la région de Carthage, depuis l’époque de la fondation de la ville; puis à l’avènement de l’islam, le terme s’est généralisé à toutes les populations arabes, berbères, espagnoles convertis. Ce qualificatif a changé de signification durant plusieurs périodes de l’histoire médiévale et contemporaine.
Nous allons évoquer le sujet de la femme mauresque, ou plus précisément de « La Mauresque », un concept crée par les artistes occidentaux, qui en font l’une des figures centrales de la peinture orientaliste, et des écrivains, dont elle est la muse chantée, magnifiée et placée sur un piédestal. La mauresque, « femme soumise » des intérieurs arabes, s’est transformée aux grès des œuvres et des mises en scène en femme de mauvaise vie, sulfureuse, joueuse et aguicheuse !
La figure de la mauresque en tant que telle, ne disparaît qu’au début du XX e siècle, pour réapparaître entre les deux guerres mondiales. Ainsi, vers 1930, elle n’est plus la muse des peintres, mais la « Fatma » des voyageurs. Elle n’est plus la noble lascive, « recluse » et « enfermée » tel un joyau dans un écrin, mais la « Fatma ». Elle porte des cruches d’eau, lave et savonne le linge qu’elle fait sécher au grand air, sur des fils tendus entre deux terrasses. Loin de l’intimité de la maison, la mauresque n’est désormais visible qu’à l’extérieur. Femme voilée, elle devient « le sujet à libérer du joug familial, et social ».
La « libération » passe par la transmission des institutrices venues de métropole, apporter le « savoir » aux autochtones. Brodeuses et coiffeuses, transmettent aux algériennes la langue coloniale, et avec elle les rudiments de la civilisation occidentale.
Pourtant, cette même femme, avant-hier mauresque, se prélassant sur son divan, hier fatma soumise à son époux ombrageux,mais que son employeur magnanime avait » libérée »; est aujourd’hui (au temps de révolution) la poseuse de bombes qui brave la peur, se jouant des hommes qui veulent la contrôler, en lui demandant d’ouvrir le fameux couffin. Fière, et débarrassée à jamais des multiples étiquettes qui lui ont été collées, elle est désormais maîtresse de sa propre image, et avec l’indépendance, elle accède au statut de sujet politique à part entière, en devenant l’Algérienne!
Mira B.G
Sources :
- L’espace méditerranéen dans le roman mauresque du XVII e siècle : mythe, symbole, stéréotype, S. Munari
- Le dictionnaire amoureux de l’Algérie, M. Chebel
- La prostitution coloniale, C. Taraud
- Illustration : peinture Femmes mauresques d’Alger dans leur appartement, par H. Philippoteaux, 1846