« Nous ne céderons jamais, … nous réussirons ou nous mourons, après moi viendront des personnes qui combattraient l’injustice… ma vie sera plus longue que celle de ceux qui me pendent »
Tels étaient les derniers mots qu’a prononcés Omar Mukhtar devant le publique qui assistait à sa pendaison. Cet homme qui a passé sa vie à combattre l’injustice des colons, et des fascistes Italiens, était un vrai symbole du sacrifice et de la persévérance.
Dans cet article je vais essayer de présenter l’histoire de cet homme, et les enseignements tirés de sa vie.
I- Naissance et éducation :
Omar Mukhtar est née en 1861 dans le petit village de Janzour à Cyrénaïque (en Arabe Barqahبرقه) en Libye. Dans son milieu tribal il a puisé le savoir auprès des maîtres soufis de sa région. Il a appris alors le Coran, la langue Arabe et les sciences religieuses. Dès sa jeunesse il est connu des chefs tribaux par l’excellence de son caractère : un grand orateur, une aptitude remarquable à diriger les individus et une modestie exemplaire.
Ces traits de personnalité lui ont permis de participer avec succès dans l’élaboration de la paix entre les tribus Libyennes en conflit, construisant ainsi un grand réseau de connaissances, et prenant une place de leader dans toute la Libye. Omar Mukhtar n’a pas voulu se restreindre à sa tribu mais il a fait l’effort de s’ouvrir aux autres factions de son pays, sculptant ainsi ses traits de caractère et profitant de l’expérience des hommes, des femmes qu’il a rencontrés.
A travers cette conduite, on perçoit l’importance de l’ouverture sur les autres. Ce n’est pas en se repliant sur sa communauté qu’on peut réussir dans la société dans laquelle on se trouve. Certes notre confession, nos origines peuvent influencer notre rapport à la vie et avec autrui, mais ce n’est pas une raison pour se fermer sur soi. La civilisation Arabo-Musulmane n’a pu excellé qu’en s’ouvrant aux savoir des grecques des indiens et des chinois. C’est en créant une société solidaire où l’individu a la liberté de créer indépendamment de sa religion ou de sa race qu’on a pu voir les savants persans, les médecins juifs et les poètes Arabes travailler ensemble afin de bâtir notre civilisation. C’est aussi en s’ouvrant aux autres tribus qu’Omar Mukhtar a pu rassembler les hommes de son pays dans son combat contre l’injustice et l’occupation Italienne. Et c’est en s’ouvrant aux autres communautés qui constituent la toile du pays dans lequel on se trouve qu’on peut bien réussir, et montrer le vrai visage de notre culture Arabo-Musulmane et ses valeurs qui appellent à l’excellence au respect et à la tolérance.
II- Les premières batailles contre les Italiens :
Jusqu’en 1911 la Libye est restée le dernier bastion Ottoman au nord d’Afrique : l’Algérie et la Tunisie passent successivement sous la domination Française en 1830 et en 1881 , ensuite la l’Égypte tombe sous la main des Anglais en 1882. Dans cet environnement hostile un sentiment d’appartenance à la culture Arabo-Musulmane monte chez les chefs tribaux Libyen, Omar Mukhtar se prépare alors à d’éventuelles hostilités contre son pays, en consolidant ses relations avec ses compatriotes, et en participant dans le mouvement de résistance contre l’invasion française au centre d’Afrique en 1899. Ce n’était pas donc une surprise qu’Omar Mukhtar a pris le flambeau de la résistance dès les premiers bombardements Italien sur les côtes Libyennes le 19 octobre 1911 et après l’appel général à la résistance lancé par le chef religieux de l’école soufis des snoussis répondu dans tout le pays, Ahmed Charif. Dès lors Omar Mukhtar se place à la tête d’une guérilla et combat avec bravoure les envahisseurs. Certes la balance n’était pas en faveur des libyens et surtout après le départ des turques en 1912 mais la foi le courage et la force qu’a pu enraciner le lion du désert dans le cœur de ses hommes lui ont permis de remporter des batailles importantes comme la bataille du jour du Vendredi le 16 mai 1913 et la bataille de Bouchamal le 6 octobre 1913. A travers son bravoure cet homme âgée jusqu’ici de la cinquantaine nous enseigne que la résistance est un devoir et une fierté à chaque personne indépendamment de son âge et de sa situation. Le lecteur peut affirmer que de nos jours la colonisation militaire, n’est plus d’actualité (mis à part quelques pays comme l’Irak et la Palestine) et donc quel est l’intérêt de parler de mouvement de résistance, mais personnellement je trouve que c’est réducteur de se limiter à l’aspect militaire de la question. L’aspect le plus dangereux de la colonisation est l’aspect culturel. Personne ne peut nier que la culture Arabo-Musulmane comme d’autres cultures subit l’invasion occidentale, sur tout les plans.
Notre manière de nous habiller, nos moyens de divertissement, et même notre manière de vivre s’occidentalisent. Les textes et les personnages fondateurs de notre culture sont de plus en plus remis en cause et pour clore le tout une poignée de personnes qui se disent appartenir à notre culture et qui se proclament ses fervents défenseurs menacent de mort tous ceux qui nous portent critiques. On peut dire qu’Omar Mukhtar a porté les armes devant les envahisseurs, mais si on réfléchit, le lion du désert n’a combattu les Italiens que par leurs propres armes, et donc on doit combattre l’invasion culturelle par ses propres armes. Une personne qui a une vision sombre sur notre culture et notre histoire et qui l’exprime dans plusieurs articles et livres, ne doit pas recevoir des menaces mais doit recevoir des écrits qui démentent ce qu’il a prétendu et qui montrent les valeurs nobles de la culture Arabo-Musulmane. Un effort de production et de créativité est demandé aux individus appartenant à notre civilisation afin de renouer avec l’excellence ce qui permettra de se protéger contre cette « nouvelle » forme de colonisation et de préserver la diversité culturelle dans le monde. Mes propos ne signifient pas qu’on doit rester fermer sur soi bien au contraire, il faut s’ouvrir aux autres tout en gardant sa spécificité et en améliorant ce qu’il y a de mauvais en soi.
Pendant la première guerre mondiale Omar Mukhtar et sous les ordres de Ahmed Charif conduit ses troupes en Égypte pour combattre les Anglais, mais malgré quelques victoires la méconnaissance du terrain n’a pas permis au lion du désert de combler la différence de forces comme il le faisait dans son pays. Suite à cette mésaventure le chef religieux Charif quitte le pays pour la Turquie et il est remplacé par Idriss Snoussi qui commence une politique de rapprochement avec les Italiens. Il signe avec eux une convention leurs donnant une partie du pays. Cette nouvelle politique n’a pas plu à Mukhtar qui prend en charge le mouvement de résistance. Le nom de notre personnage devient le symbole de l’union et la fierté de tout les Libyens. Ses frappes faisait mal aux intérêts des Italiens en Libye ce qui poussa ces derniers à essayer de corrompre notre homme en août 1922 avec un très beau salaire de belles maisons et des terres. Omar Mukhtar cet homme de 60 ans qui a tant donné pour son pays va-t-il accepter de mener la belle vie de profiter de ces délices et de suivre le chemin de plusieurs des chefs tribaux et religieux de son pays ? Non, le lion du désert ne vend pas ses principes. Certes il va souffrir et il va risquer sa vie mais c’est un porteur de messages. Ce qui l’anime est la volonté de combattre l’injustice coloniale. Sans cette résistance il savait que le peuple Libyen va perdre son pays mais aussi sa liberté et donc ses ressources humaines et matérielles. Il est vrai que la vie dans nos pays est plus difficile que celle des pays européens, on a moins d’opportunités, mais Omar Mukhtar nous apprend le sens du sacrifice. A l’instar du lion du désert il faut prendre les armes, les armes du savoir pour développer nos pays et préserver notre culture et nos valeurs pour le bien de l’humanité entière.
III- Omar Mukhtar et les fascistes :
En Octobre 1922 les fascistes prennent le pouvoir en Italie. Le mouvement de la résistance Libyen prend un autre tournent. Ces nouveaux colonisateurs annulent tous les accords entre l’Italie et les Libyens, et partent à la conquête du reste du pays. Bien que la balance des forces penchait incontestablement du côté fasciste mais cela n’a jamais démotivé le Lion du désert, il savait que ce qui permettait au mal de triompher était l’inaction des gens du Bien. Le réalisateur Moustapha Akkad, à travers son film Omar Mukhtar a bien montré le quotidien des résistants et a dessiné le tableau de leurs bravoures et leurs exploits. Une des batailles qu’a montré ce film et qui m’a marqué est celle où le lion du désert et ses hommes ont pu détruire tout un groupe de militaires fasciste, bien armé. Tout les soldats étaient morts dans la bataille, sauf un. Omar Mukhtar va-t-il tuer ce soldat comme le font les nouveaux maître de l’Italie avec les libyens ? Non, ce ne sont pas les valeurs que défend le lion du désert. Il l’a libéré et lui a rendu le drapeau Italien. Le problème n’était pas les Italiens ou L’Italie mais la colonisation fasciste.
Malgré les difficiles victoires qu’a emportés le régime de Mussolini, celui-ci est resté sous le feu des résistants. Les Italiens décident d’entrer dans des négociations avec Omar Mukhtar en juin 1929. Ce dernier accepte pour essayer de limiter la souffrance de la population prise comme bouc émissaire par les fascistes. Mais lors des conversations il remarqua que ses interlocuteurs n’étaient pas sérieux et qu’ils essayent de nouveau de le corrompre. Mais le lion du désert était toujours aussi ferme : on pouvait tout tuer sauf la volonté des peuples à être libres.
Les combats continuent avec autant de ferveurs ce qui poussa Mussolini à mettre le terrible maréchal Graziani à la tête des troupes en Libye. Il prendra des mesures très sévères envers toute la population en fermant les frontières du pays, en bâtissant des prisons dans toutes les régions, et en exécutant dans des villages à la manière Romaine le un dixième des hommes pris au hasard. Les forces de ce sanguinaire ont aussi réussi à conquérir des régions stratégiques comme alkafra, ce qui a affaibli considérablement le mouvement de la résistance.
Le 11 septembre 1931, alors qu’il est âgé de 69 ans le lion du désert tomba sous la main des Italiens pendant la bataille. Celui qui a tant donné pour défendre son pays et ses valeurs, fatigué par ses années de résistance par son âge et par la maladie tombe de son cheval, mais il tombe pour se relever et marquer à jamais son nom dans l’histoire des grands hommes et des figures phares de notre civilisation. Il tombe de son cheval mais il reste fier de ce qu’il a fait. Il savait bien que les graines qu’il a semé vont un jour germer, pour le bien de son pays.
Le maréchal Graziani jusqu’ici critiqué en Italie puisqu’il n’a pas pu arrêter les attaques des résistants, décide d’interrompre ses vacances à Paris et d’aller personnellement à la rencontre du Lion du désert. Dans son livre « Barqah calmé » le fasciste dit en décrivant la première rencontre avec Omar Mukhtar : «Je voyais en Omar des milliers de résistants … Il m’a semblé que l’homme qui était devant moi n’était pas comme les autres, il avait une présence, un charisme. »
Le maréchal tente de nouveau de corrompre Omar Mukhtar pour qu’il ordonne aux résistants de jeter leurs armes, mais ce dernier refuse comme il l’a toujours fait. Il savait très bien que sa vie est le symbole et la lumière qui guidera ses compatriotes vers leur liberté. Certes il va descendre du train de la vie mais ses enseignements vont perdurer dans l’histoire. Sa ténacité et ses principes lui ont prévalu un grand respect de tous ceux qui l’ont côtoyé même ses pires ennemis. Graziani rajoute dans son livre « Quand il s’est mis debout pour repartir en prison son front brillait comme si une lumière l’enveloppait, mon cœur battait très fort, mes lèvres tremblaient et je n’ai pas pu dire un mot.»
Le 15 septembre le lion du désert est condamné à mort et le lendemain il est pendu devant vingt mille des habitants de Barqah et des prisonniers politiques venus voir leurs chefs tombé en martyrs. Le corps de ce grand homme tombe mais ses principes s’élèvent dans les cœurs de tout ceux qui croient à la liberté et la justice humaine.
Sidi Omar Mukhtar, comme aimaient vous appeler les libyens qui vous ont côtoyé, votre vie était plus longue que celle de ceux qui vous ont pendu. Elle est restée porteuse d’enseignements. Vos sacrifices nous rappellent nos devoirs envers notre civilisation et notre culture. Votre ouverture d’esprit enracine en nous la volonté d’aller vers les autres cultures afin d’instaurer un dialogue équitable. Sidi Omar vous êtes entré dans l’histoire par sa grande porte et vous allez y rester pour longtemps comme figure phare de notre civilisation.
Source : https://racines.wordpress.com/
Image à la une : Omar Mokhtar arrêté par des officiers Italiens