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Conte- Ettayer lakhdar oua jenahou yroud alayeh – Fin – Ana Lyes, oua anti Ouarda

mil_026… Mais ce fut de courte durée car le roi dont le palais se trouvait en amont de la rivière, préparait les festivités pour célébrer les noces de son fils. Une princesse avait été choisie par ses soins pour une belle alliance. Le roi en informa son fils par un message confié à la rivière.

Ce jour-là, le prince et sa bien-aimée se trouvaient au bord de l’eau. La jeune fille dormait, la tête posée sur les genoux de son prince. Porté par les flots, le message parvint à son destinateur qui l’ouvrit et le lut:

«Chamekh rasek elhih oua elhajema hna, hamamek elhih oua ‘irsek hna!» («Mouille ta tête là-bas et ta coiffure sera là, ton bain sera là-bas et ton mariage ici ! »)

Le prince comprit l’ordre envoyé par le roi, son père, dont il ne pouvait discuter les décisions. Il se retrouva face à une situation délicate: il ne pouvait ni ne voulait abandonner sa bien-aimée. Que faire alors? Après une longue et douloureuse hésitation, il souleva délicatement la tête de la jeune fille, la posa sur une pierre et partit sans faire de bruit. Au contact de la pierre froide sous sa joue, la jeune fille se réveilla et ne trouvant personne à ses côtés, fut fort inquiète et se mit à pleurer. Elle chercha longtemps le prince et longtemps elle l’appela, hélas, seul le lointain écho lui répondait.

Elle se mit à marcher de jour et à se reposer de nuit, jusqu’au moment où elle rencontra un vieillard.  A son aspect, la jeune fille compris que c’était un marchand de sel. Sur le dos de son âne, il y avait de gros sac de sel. Elle s’empressa de lui faire part de l’objet de ses recherches en lui disant : 

« Malah ya malah ma ritich min el milah ! »

Mais le vieil homme lui répondit n’avoir pas rencontré âme qui vive dans les environs. Intrigué, le marchand de sel voulut savoir :

-« Qui es-tu ? Que fais-tu là, seule?»

« Je dormais près de la rivière, lui répondit-elle, et à mon réveil, mon compagnon avait disparu. Et toi, où vas-tu? » ajouta la jeune fille intéressée.

-« Je dois me rendre au palais royal car aujourd’hui, nous fêtons les noces du prince ! »

La nouvelle bouleversa la jeune fille et une immense tristesse envahit son coeur. Elle comprit que ce prince était son bien-aimé. Elle voulut à tout prix le rejoindre. Elle supplia alors le vieillard d’accepter de lui donner, en échange de ses bijoux, ses vêtements, son turban, son âne avec son fardeau de sel. Le vieillard n’hésita pas longtemps et lui céda ses habits dont elle se vêtit. Il lui indiqua le chemin à suivre pour se rendre au palais.

Méconnaissable sous son déguisement, la jeune fille passa devant les gardes du palais qui lui ordonnèrent de se présenter au plus vite, devant le prince qui avait donné l’ordre dans l’espoir d’avoir quelque nouvelle de tous ceux qui arrivaient de loin. Parvenue à la salle du trône, elle vit son bien-aimé assis, la mariée à ses côtés. Le prince était triste et les larmes brillaient dans ses yeux. D’une voix tremblante, il lui demanda: 

« Malah ya malah ma ritich min lamlah ! » (Marchand de sel, O marchand  de sel n’as-tu pas vu de beauté?)

Elle lui répondit alors par un message qu’il devait comprendre:

« Rithoum fi lakhla khalithoum. Zinhoum min laâjab, labsin hila telhab lahab, kaâdin ala koursi min dhahab. » (je les ai vues, et dans le désert je les ai laissées, leur beauté est miraculeuse, habillées de vêtement lumineux et assis sur un trône en or.)

Plusieurs fois le prince répéta sa question et chaque fois, il obtint la même réponse.

Désespéré il quitta le palais et alla se pendre à un arbre. Voyant son bien-aimé mort, la jeune fille n’eut qu’un seul désir: le rejoindre. Elle s’adressa au citronnier:

« Ya limouna, salfini ghouns min aghnassek bech nchnouk rouhi ! » ( O citronnier, prête-moi une branche de tes branches pour me pendre.)

Mais l’arbre lui répondit:

«La ! Ya lalla! Ana nkhaf min rabbi ! » (Non madame, je ne puis car je crains Dieu.)

Tour à tour, le pommier, l’oranger et tous les arbres qu’elle sollicita lui firent la même réponse. Enfin, elle s’adressa au chêne qui lui tendit une branche à laquelle elle se pendit.

La mariée, intriguée par l’absence prolongée du prince, sortit à son tour, et grande fut sa surprise lorsqu’elle vit le couple pendu, chacun à un arbre. Craignant quelque accusation, elle se pendit à son tour.

Alors vinrent le roi, les convives, les gardes pour découvrirent les pendus. Les festivités se transformèrent en funérailles. On se demanda qui était cette jeune fille si belle et on comprit qu’elle était le faux marchand de sel.

Les trois jeunes gens furent enterrés dans le même lieu et sur chacune des tombes alignées, poussa une plante. Sur la tombe de la mariée, une ronce épineuse, sur celle du prince, un lys, sur celle de la jeune fille une rose.

Le jardinier qui soignait ses plantes sur les ordres du roi, entendit un jour, un chuchotement provenant des tombes et qui disait pendant que sous ses yeux ahuris, le lys enlaçait amoureusement la rose par-dessus la ronce : 

« Ana lyes, oua anti ouarda jmila, ouach jab hadhi chouka lina ! » (Je suis le lys et toi une belle rose, que vient faire cette épine avec nous)

Inlassablement, le lys et la rose enlacés répétaient leur murmure amoureux. Le jardinier troublé, s’empressa d’aller informer son maître, le roi. Celui-ci vit l’étreinte et entendit le chant d’amour d’outre-tombe. Il ordonna alors de transférer la troisième tombe ailleurs, pour ne laisser là, que celles des amoureux. Le murmure se tut et le lys et la rose s’enlacèrent pour l’éternité.

 

Source: Contes du terroir algérien – Editions Dalimen

Illustration de Léon Carré

Retrouvez les deux premières parties du conte ici:

Partie I: https://www.babzman.com/conte-ettayer-lakhdhar-oua-jenahou-yroud-alayeh-partie-i-la-branche-de-basilic/

Partie II: https://www.babzman.com/ettayer-lakhdar-oua-jenahou-yroud-alayeh-partie-ii-ettayer-lakhdarr/

 

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