Multi-instrumentiste, interprète, auteur, compositeur, professeur et chercheur, Abdelkrim Dali est l’une des plus grandes personnalités marquantes de la musique andalouse en Algérie.
Plus de quarante ans après sa disparition, son interprétation de Menzinou n’har el youm – plus connue au niveau populaire sous le titre Saha aïdkoum – le place dans l’éternité. Ancrée dans la mémoire collective depuis 1969, cette chanson (texte du poète Mohamed Ben Msayeb) ne sera concurrencée par aucune autre, dans le genre hawzi. En dépit de sa reprise par plusieurs chanteurs, elle n’est apparemment appréciée que dans son originalité, c’est-à-dire dans son unique version chantée par Abdelkrim Dali. Le talent de cet artiste n’est pas tant reconnu dans l’exécution d’un texte du XVIIIe siècle ou dans sa clairvoyance vocale. Il l’est aussi dans la maîtrise de l’instrumentation, mais pas que… Ce qui le distingue des autres maîtres de la musique andalouse, c’est sa résolution inébranlable à concilier les écoles de musique andalouse.
Sa conception réside dans l’unification du style gharnati de Tlemcen, son école d’origine, et la sanaâ d’Alger, son école d’adoption. Dans ce sens, il a participé à l’élaboration de l’œuvre anthologique de la musique andalouse Mouachahat oua ezdjal (éditions SNED, trois volumes) en usage en Algérie. Pour l’universitaire Tewfik Benghebrit, également auteur-compositeur, El Hadj Abdelkrim Dali est un « fédérateur » des écoles de musique andalouse algériennes : Tlemcen, Alger et Constantine. L’auteur Kamel Bendimerad va dans le même sens, évoquant un « réconciliateur entre les adeptes des écoles d’Alger et de Tlemcen qui prétendent, l’une comme l’autre, au leadership de la musique andalouse ».
Il va sans dire que cette action a grandement contribué à la préservation du patrimoine national andalou. Tout au long de son itinéraire, Abdelkrim Dali sera un « passeur et transmetteur infatigable » de ce patrimoine, selon le professeur de musique et président de l’association de musique andalouse El Kortobya de Tlemcen, Salah Boukli Hacène. Enseignant à l’école municipale de musique d’Hussein Dey, dés l’année 1951, puis au conservatoire municipal d’Alger, dès 1957, il passe pour un maître exigeant en matière d’assiduité et de rigueur. L’un de ses élèves en classe préparatoire au Conservatoire d’Alger, le musicien Smain Heni rapporte que Abdelkrim Dali tient beaucoup au mizane (tempo), lui qui a la maîtrise de la derbouka et d’autres instruments comme le tar, le r’bab, le luth, la flûte et le violon alto. Ils sont nombreux aussi les artistes qui, après avoir fait leurs classes chez lui, ont intégré des associations nationales du genre andalou. D’autres sont devenus des célébrités en suivant sa voie, tels que Mourad El Baez, Abdelkader Rezkellah, Nouri Koufi et Nacreddine Chaouli.
Référence avérée dans l’univers de la musique andalouse, Abdelkrim Dali intègre, en 1971, l’Institut national de musique dans le cadre d’un projet de recherche du patrimoine lyrique national. En sa qualité de chercheur, il poursuivra son parcours dans cette institution jusqu’à la fin de ses jours.
Mohamed Redouane
En quelques dates
21 novembre 1914 : naissance à Tlemcen dans le quartier Hart Erma.
1930 : Les deux premiers enregistrements de disques 78 tours.
1945 : installation à Alger. Intégration à l’ensemble de musique classique andalouse de la radio dirigé par Mohamed Fekhardji.
1964 : membre de l’orchestre de la Radio Télévision Algérienne dirigé par Abderezak Fekhardji et Mustapha Skandrani.
1969 : Enregistrement du poème Rihla hidjazia.
21 février 1978 : décès en son domicile à Hydra et inhumé au cimetière de Sidi Yahia à Alger.
Bibliographie:
- Fondation Abdelkrim Dali
- Presse Algérie
- Illustration 1 et 2: Commémoration du centenaire de la naissance du Cheikh Abdelkrim Dali datant du 16 novembre 2014