D’une voix grondante, El harraz, rétorqua : « Tu es une diablesse, tu es venue à moi avec des airs hypocrites et flatteurs, cherche, plutôt, un campement où te loger, pauvre hère. Toi et les douze autres, c’est une croûte de pain et une gamelle de soupe, qu’il vous faut. Retournez chez vous, cela et préférable pour vous ! »
Djellaba maghrébine blanche, babouches jaunes aux pieds, chéchia ornée d’un tarbouche et « gnibri » en main, notre cheikh, las de toutes ces ruses, décida, cette fois ci, de se présenter seul et sans déguisement, au Harraz. Arrivé devant le palais, notre ami se mit à chantonner les proses écrites pour sa dulcinée. A sa vue, les gardes demandèrent au Harraz : « O maître, voudrais-tu lui répondre ? » Dès qu’il entendit sa voix, El Harraz sortit sur les remparts suivi d’Aouicha, qui avait reconnu la voix de son bien aimé.
A sa vue, Aouicha dit au cerbère : « Ce n’est qu’un cheikh, laisse le entrer dans le palais sans discuter car aujourd’hui, ce troubadour va nous égayer de sa belle musique ! » « O ! belle aux yeux de braises, je ne lui fais nullement confiance et ne lui permettrais même pas de voir ton ombre, en plus, il ne mettra jamais les pieds au palais » rétorqua El Harraz. « Ecoute ô mon ami, chez nous, au Maghreb, les femmes assistent aux fêtes avec les cheikhs en toute fraternité et sans aucune arrière pensée. Tu n’as aucune crainte avoir de lui ! » rétorqua la gazelle, tout en faisant un clin d’oeil discret à notre ami.
Rasséréné par ses belles paroles et, mis en confiance, El harraz salua notre ami, en lui faisant l’honneur de son palais. « Sois le bienvenu ô cheikh, aujourd’hui est un jour béni et tu vas nous divertir de tes chansons » lui dit -il. A ces mots, la belle Aouicha sourit malicieusement. Notre ami, sa bien aimée et le cerbère s’installèrent sur des sofas en soie installés dans une pièce magnifiquement décorée, au milieu de laquelle trônait une table basse en cuivre, richement ciselée, supportant des mets succulents. Le regardant dans les yeux, Aouicha, dit à notre cheikh : « Bois et fais nous entendre le son de ton « gnibri » ô maghrébin ! » Il prit son instrument et commença à fredonner les vers écrits, pour sa belle, sous forme de paraboles. Mêlant sa voix de rossignol, à la sienne, elle lui répondit en fredonnant : « Toutes les ruses que tu as utilisées ont été dérisoires, si tu étais venu la première fois sans déguisement, on n’aurait pas été séparés pendant tout ce temps, mais aujourd’hui je vais montrer à ce harraz, qui nous a séparés pendant douze jours, ce que valent les maghrébines ! ».
El harraz, affalé sur les coussins et somnolant sous l’effet de la musique et du vin, ne fit pas attention, quant Aouicha lui subtilisa sa baguette magique. En un tour de main, elle le transforma en un chimpanzé dansant et hurlant tout en faisant apparaître un djinn bleu à qui, elle ordonna : « Prend ce maudit Harraz, fais en ce que tu veux ou bien ramène le chez sa mère, dans son Hidjaz natal, pour qu’elle lui apprenne, que malgré toute sa malignité et sa ruse, celle des femmes est plus puissante ». Se tournant vers son bien aimé : « A partir de cet instant, rien ne nous séparera plus ! » dit-elle avec un charmant sourire. Est – ce un conte, une légende ou une histoire vraie ? Finalement, dans cette histoire, le plus rusé n’est pas celui qu’on le croit, loin de là ! A vous de comprendre !
Sources :
Histoires et contes du Maghreb
Image : RUDOLF ERNST (1854-1932) –
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