En effet, d’un commun accord, ils décidèrent, cette fois ci, de se déguiser en hommes déterminés, parés de coiffures rituelles et portant boudoirs et cierges allumées, bendirs et danseurs en transes. Troupe, à qui, généralement, on ne refuse ni le gîte ni le couvert, dans ces régions. Et, ils repartirent, ainsi, vers le palais.
A leur vue, les gardes demandèrent à leur maître : « O érudit, voudrais-tu leur répondre ? » Le cerbère sortit sur les remparts en roulant des yeux. Notre poète s’avança vers lui en le saluant et en exécutant une danse de transe « Gnaoua ». « Souhaite la bienvenue aux honorables personnes que nous sommes, tu connais bien Sidi Rahal, notre ancêtre, n’est-ce pas ? puisque tu es venu chez nous au Maghreb, nous devons donc, te montrer nos coutumes. Fais-nous donc entrer dans ton palais et honore-nous d’offrandes, d’ambre et de fleurs. Nous t’apportons bien et protection ! ». Intrigué par le long silence du cerbère, notre ami demanda encore : « Pourquoi ne réponds-tu pas ? » Toisant notre troubadour, El Harraz interrogea : « Qui est cet ancêtre dont tu parles ? Un prophète, un saint, un messager ? C’est lui qui aurait transmis cette doctrine de la ruse et de la perfidie ? Vous êtes douze grands ânes avec vos coiffures en épis de maïs, et toi, le plus perfide, ils t’ont suivi par esprit de corps ! »
Se tournant vers ses gardes : « Honorez-les de coups de canne ! » Nos amis prirent leurs jambes à leur coup et s’enfuirent le plus loin possible de ce maudit harraz. Mon diadème de beauté s’en est allé et je suis sans nouvelle d’elle depuis sept jours ! » se lamenta, notre troubadour, auprès des belles. « Ô l’amoureux, nous allons retourner, nous douze, toutes d’une beauté triomphante : trois virtuoses du violon, trois joueuses de luth maîtrisant parfaitement cet instrument, trois percussionnistes sachant sur le bout des doigts leurs qaçayed et trois danseuses charmant jusqu’au doyen des pénitents, à notre vue le vieillard redeviendra jeune ! » lui répondit l’une d’elles. « C’est là la solution, oui, cette ruse est la clé ! » rétorqua notre jeune ami.
La plus belle se leva, le vêtit d’or et de soie, comme s’il était un enfant aux joues roses et le couvrit d’un haïk de fine laine et les jeunes filles de lui dire : « Oh cheikha, précède-nous donc ! A partir de cet instant nous te prénommons Yamna ! ». Elles l’avaient déguisé en une jeune et belle fille. Elles se mirent en marche ; Lala Malika et sa soeur Fetouma, Rym Hadda et la gazelle Zahra, Habouche et Radia, Mennana et Zahia, Errhima, Khenata et lala Habiba ainsi que la grande Oum Keltoum à la taille fine de gazelle, douze, parées de leurs plus beaux atours et dont les yeux tracés au Kohl perceraient le cœur du plus croyant. Bouquet de fleurs qui feraient faner la plus belle des orchidées d’un boustan royal.
Le cortège, avec à sa tête notre « Cheikha » reprit le chemin du palais. A leur vue, les gardes demandèrent au Harraz : « O maître, voudrais-tu leur répondre ? » Du haut des remparts, le cerbère d’Aouicha demanda : « Qui parmi vous est la Cheikha ? » « C’est moi, ô sage érudit. Nous sommes venues de Fez pour te voir, toi le sage érudit, le plus cher d’entre les hommes, pour le plaisir de la musique autour d’un verre ! » répondis notre « Cheikha »… A suivre
Sources :
- Histoires et contes du Maghreb
- Image : GIRAUD, Pierre François Eugène » Femmes d’Alger, intérieur de cour » 1860
Partie I : https://www.babzman.com/el-harraz-ou-lenchanteur-partie-i-le-cavalier-venu-dailleurs/
Partie II : https://www.babzman.com/el-harraz-ou-lenchanteur-partie-ii-le-rapt-amoureux/