Officiellement, l’indépendance de l’Algérie a été proclamée le 3 juillet 1962, suite au référendum qui l’a consacrée le 1er dans le cadre des « Accords d’Evian » du 18 Mars 1962. Mais l’année suivante, le gouvernement de Benbella inscrit la journée du 5 juillet pour la symbolique qu’elle revêt, étant donné que le dey d’Alger s’était rendu aux français ce jour là, 132 ans auparavant.
Quoi qu’il en soit, les algériens, tout âge confondu, sortent dès le 3 dans les rues pour manifester leur joie d’être enfin libres. Entassés dan les camions, sur les toits des bus et des voitures, ils sont des milliers à scander « Tahya Djazaïr » : Vive l’Algérie ! Les youyous raisonnent de partout et le drapeau vert et blanc flanqué du croissant et de l’étoile, flotte au dessus de la foule, dans toutes les mains. C’est le plus beau jour pour la nation : la fin d’une longue nuit coloniale, le début d’une belle vie libre et prospère. C’est du moins ce qu’espèrent tous les algériens, heureux de redevenir des êtres humains à part entière, dans leur propre pays.
« Ce fut une fête énorme, tonitruante, formidable, déchirante, d’un autre monde. Des hauts de la ville jusqu’à la mer, les youyous vrillaient le ciel. C’était la nouvelle lune, comme en juillet 1830, lorsque les troupes du général de Bourmont étaient entrées dans Alger. Pour nous qui partions, c’était la lune de deuil. » (Jules Roy)*
Cette grande fête, les jeunes d’aujourd’hui peuvent se l’imaginer à travers les défilés dédiés aux victoires footballistiques. Selon beaucoup de septuagénaires, l’ambiance est identique et cette joie communicative et contagieuse liée au foot leur rappelle ces beaux jours de juillet 1962 où le bonheur n’avait aucune limite.
Cette liesse immense se poursuit plusieurs jours. Le 5 juillet, alors que les journaux et les radios appellent au retour au travail et à la « construction » du pays, les algériens ne semblent pas encore repus de leur liberté nouvellement acquise. Le calme ne reviendra que progressivement, les jours suivant.
Dans leur exaltation, les algériens ne savent pas qu’un drame se prépare à Oran. Ils ne savent pas non plus que la lutte pour le pouvoir a déjà commencé au sein des états-majors de la révolution. L’été 1962 sera même violent dans les hautes sphères. Au point où les algériens sont redescendus dans la rue, mais cette fois pour dire stop à la discorde des clans qui se confrontent. « Sebaa Snine Barakat ! » « Sept ans, ça suffit! ».
Aujourd’hui, 56 ans après l’indépendance, on garde de ce début juillet 1962 de magnifiques photographies et même des images filmées chargées d’émotions. Des milliers de rires et de sourires ont été ainsi figés pour la postérité, pour que les générations suivantes puissent capter cette incroyable sensation d’ivresse que procure l’acquisition d’un droit. Cette joie de savoir que ce beau pays allait désormais appartenir aux « indigènes ». Pour que les jeunes d’aujourd’hui puissent comprendre que la liberté s’arrache et qu’elle a un prix et un goût…
Zineb Merzouk
*Jules Roy, Mémoires barbares. Editions Albin Michel, 1989.