« Le fléau se dresse à chaque pas devant nous, sombre et navrant. Qui reconnaîtrait les fils d’une race vaillante et martiale dans ces passants décharnés traînant comme des suaires leurs burnous éraillés ? La nature plus cruelle encore fait fondre sur eux toutes les calamités ; les sauterelles dévorantes, les longues sécheresses, la disette, le choléra, la peste, le typhus… Tout un peuple de fantômes circule sur ce chemin ! », écrit Charles Lagarde dans « Une promenade au Sahara. ». S’en suit une description effrayante de « pauvres indigènes » en guenilles, traînant leurs corps décharnés, au bord de la mort.
Et de poursuivre plus loin en parlant de Blida : « J’ai vu un village dans la montagne qui s’appelle Bir Baballou; il n’y reste que quatre familles. Le tremblement de terre a renversé les maisons, les sauterelles ont mangé les plantes, la sécheresse a tari les sources, le choléra a frappé la moitié de la population ; le reste s’est enfui. Blida, la ville des parfums, est aussi la ville des fléaux. L’Algérie a essuyé en quelques années plus de calamités que l’Europe en plusieurs siècles ! »
Le 13 avril 1866, la région de Boghar est attaquée par les sauterelles. Durant des semaines, elles avancent vers le nord, jusqu’à la Mitidja, dévastant tout sur leur passage. Plusieurs régions du pays sont touchées par la catastrophe et les dégâts sont importants.
Le 2 janvier 1867, à 7h15, un violent séisme se fait sentir autour de Blida. Cette dernière, déjà détruite en 1825, sera très éprouvée. Plusieurs villages du pied de l’Atlas, dont la Chiffa, Mouzaïa et El Afroun sont détruits.
Cette année-là qui a mal commencé ne se finira pas sur une bonne note. Dès l’été, on enregistre une épidémie de choléra, puis de peste, de typhus et de typhoïde, font des centaines de milliers de morts parmi mes Algériens. Ajoutons à cela une sécheresse persistante et de mauvaises récoltes entre 1865 et 1867, puis, l’automne, des neiges abondantes qui achèvent de faire périr ce qui reste de bétail. Une terrible famine en résulte. « Les habitants des steppes et du Sud, chassés par la faim, descendaient vers le Tell où ils espéraient trouver de l’orge et du blé, mais les gens du Tell étaient eux-mêmes aux prises avec la disette. Des bandes d’indigènes presque nus arrivaient par groupes compacts, semant de leurs cadavres les routes et les abords des agglomérations, rôdant autour des villes et des villages, implorant la pitié des colons », écrit Auguste Bernard dans « Histoire des colonie françaises ».
Selon Bertrand Taithe « Le manque de données démographiques fiables empêche de connaître le nombre de victimes de cette crise », mais selon des sources coloniales, on estime qu’un tiers de la population algérienne aurait périt à cette période.
Synthèse : K.T.
Sources :
- Charles Lagarde : «Une promenade au Sahara», Éd.1885.
- L’abbé Burzet : « Histoire des désastres de l’Algérie, 1866-1867-1868, sauterelles, tremblement de terre, choléra, famine », Ed. 1869.
- Auguste Bernard : « Histoire des colonies françaises et de l’expansion de la France dans le monde », impr. et libr. Plon, 1930-1934.
- Bertrand Taithe, « La famine de 1866-1868 : anatomie d’une catastrophe et construction médiatique d’un événement », Revue d’histoire du XIXe siècle, 41 | 2010.