Le 16 octobre 1813 commence la « bataille des Nations », près de Leipzig, au coeur de l’Allemagne. Elle va durer trois jours et s’achever par la retraite de la Grande Armée et son repli au-delà du Rhin.
C’est le début de la fin pour Napoléon 1er, chassé d’Allemagne après l’avoir été de Russie et d’Espagne. C’est aussi, comme l’indique le nom donné à cette bataille, l’avènement des nationalités. C’en est fini des guerres dynastiques de l’Ancien Régime. Désormais, ce sont des peuples et non plus des souverains qui s’affrontent les uns aux autres.
La bataille de la dernière chance
Après son repli de Russie, en décembre 1812, l’Empereur des Français se voit poursuivi par les Russes et leurs alliés prussiens. Il reconstitue avec une rapidité étonnante la Grande Armée avec ses alliés : Italiens, Danois, Allemands de la Confédération du Rhin (Bavarois, Saxons…).
Le 11 janvier 1813 sont mobilisés 350 000 soldats français. Les nouvelles recrues, les « Marie-Louise », sont inexpérimentées et l’armée manque cruellement de chevaux ; la logistique est défaillante… mais la situation dans le camp adverse n’est guère meilleure : l’armée prussienne est réduite à peu de chose et l’armée russe éreintée par la campagne de l’automne.
Avec une Grande Armée forte de seulement 180.000 hommes, dont une moitié de non-Français, il remporte sur cette sixième coalition deux victoires à Lützen (près de Leipzig), le 2 mai 1813, et à Bautzen (à l’est de Dresde), les 20 et 21 mai 1813. Mais Napoléon 1er, faute d’obtenir une victoire décisive qui éliminerait la Prusse de la coalition, se voit contraint de concéder à ses ennemis un armistice. Il est signé à Pleiswitz le 4 juin 1813.
Les Prussiens et les Russes en profitent pour refaire leurs forces. Plus important encore, ils voient se rallier à eux les Autrichiens et les Anglais ainsi que les Suédois. Ceux-ci sont commandés par l’ancien maréchal Jean-Baptiste Bernadotte, un soldat de la Révolution devenu prince héritier de Suède en 1810 (et roi de Suède en 1818 sous le nom de Charles XIV). L’Espagne, le Portugal et divers États allemands complètent la coalition.
La propagande joue contre les Français et appelle leurs supplétifs allemands à la désertion. C’est ainsi que le 23 août, à Gross-Beeren, le maréchal Oudinot est défait par Bernadotte après que dix mille de ses soldats bavarois et saxons se sont retournés contre lui.
Mais l’Empereur reste un redoutable stratège. Il le démontre une nouvelle fois par sa victoire sur l’Autrichien Schwarzenberg, à Dresde, les 26 et 27 août 1813. Sur le conseil avisé de Bernadotte, les armées alliées, fortes de 320.000 hommes, évitent dès lors le contact direct avec lui. Elles cherchent par contre à affronter séparément ses maréchaux, autrement plus vulnérables.
Les alliances chancèlent. Le 17 septembre 1813, le roi de Bavière Maximilien Joseph se proclame neutre avant de rejoindre la coalition. Puis vient le tour de Frédéric de Wurtemberg.
Trois jours
Napoléon 1er regroupe ses forces à l’ouest de l’Elbe, près de Leipzig, en Saxe. L’Empereur souhaite affronter en ce lieu l’armée de Bohème commandée par Schwarzenberg avant de marcher enfin sur Berlin. Mais il ne se doute pas que les Alliés ont percé sa stratégie et dirigent leurs deux autres armées vers Leipzig.
C’est là que se produit le choc décisif. Il va s’étaler sur trois jours.
Le 16 octobre, à Wachau, au sud de Leipzig, Napoléon affronte avec succès les 160.000 hommes de Schwarzenberg. Pendant ce temps, au nord de Leipzig, le corps d’armée de Marmont maintient l’armée du général prussien Blücher hors du champ de bataille.
Le 17 octobre, les adversaires se contentent de canonner cependant que le Russe Bennigsen rejoint les Autrichiens et que Bernadotte fait sa jonction avec Blücher. Pas moins de 500.000 hommes se trouvent concentrés sur les bords de l’Elbe. Le dispositif se resserre autour des Français, ne leur laissant qu’une issue de secours à l’ouest.
Le 18 octobre, les Alliés ont enfin raison de l’empereur des Français, au prix de lourdes pertes et grâce à la défection inopinée de trois mille Saxons et six cents Wurtembergeois qui retournent leurs armes contre les Français.
e soir venu, dans une auberge de Leipzig, Napoléon consulte les rapports et les cartes. Il choisit d’abandonner la partie pour ne pas risquer l’écrasement. Le lendemain matin, il prend congé du roi de Saxe Frédéric-Auguste, son dernier allié allemand, cependant que des combats de rue éclatent dans Leipzig.
La plus grande partie de la Grande Armée arrive à se replier en franchissant un unique pont sur l’Elster. Mais les sapeurs font trop tôt sauter celui-ci. Parmi les troupes restées à l’Est, c’est le sauve-qui-peut général. Il s’ensuit de nombreuses victimes parmi lesquelles le prince Josef Poniatowski (50 ans), mort noyé trois jours après avoir été hissé à la dignité de maréchal d’Empire par Napoléon.
En définitive, les Français laissent 12.000 hommes aux mains de l’ennemi et 50.000 tués ou blessés. Les Alliés déplorent quant à eux 60.000 pertes.
L’empereur, dont c’est la première grande défaite, regroupe ses forces à Erfurt et repasse le Rhin sans attendre. Il laisse derrière lui, en Allemagne, différentes garnisons qui ne tarderont pas à se rendre – au total 190.000 homme -. Lui-même se replie en France avec 50.000 hommes pour une ultime campagne, l’une des plus brillantes de l’épopée napolénienne, néanmoins vouée à l’échec.
Source : Herodote.net
Image : La bataille de Leipzig – Musée de l’armée, Paris
1 commentaire
Toujours admiratif pour la qualité du site, exemplaire par sa richesse, sa culture, son objectivité.
On peut noter dans ce remarquable article (remarquable comme bien d’autres) l’importance des contingents étrangers ralliés sinon à l’Empire du moins à la France, peut être la France révolutionnaire. Et d’autre part on peut penser que si Napoléon avait considéré les avertissements de Talleyrand qui déconseillait aussi bien l’intervention en Espagne qu’en Russie, le cours de l’Histoire aurait pu ne pas être le même. On a pu dire ainsi que si Talleyrand avait condamné certains régimes, à commencer par l’Ancien régime, il n’avait jamais trahit la France, comme l’a prouvé son action au Congrès de Vienne où son habileté diplomatique a consacré comme arbitre la France vaincue…
André Pierre Fulconis