Pour Brahim Senouci, il est essentiel de récupérer ces restes et d’organiser une inhumation « avec un lustre particulier et les honneurs dus à la bravoure de nos résistants »*. Et si l’action est menée jusqu’au bout, le succès « sera celui de la société et du peuple algérien » face à « la haine de soi », l’oubli et le refoulement.
En 2011, l’historien Farid Belkadi révélait que le Musée de l’homme de Paris conservait des fragments de corps depuis 1880, date à laquelle ils sont entrés dans la collection « ethnique » du musée. Il s’agit des crânes secs pour la plupart, appartenant à Mohamed Lamjad Ben Abdelmalek, dit Chérif « Boubaghla » (l’homme à la mule), au Cheikh Bouziane, le chef de la révolte des Zaatchas (dans la région de Biskra en 1849), à Moussa El-Derkaoui et à Si Mokhtar Ben Kouider Al-Titraoui. La tête momifiée d’Aïssa Al-Hamadi, qui fut le lieutenant du Chérif Boubaghla, fait partie de cette découverte. En tout, plus d’une trentaine de crânes de résistants algériens qui demeurent sans sépultures, vulgairement casés dans des boites étiquetées et rangées dans de grandes armoires métalliques de ce musée parisien.
Mais il se trouve que l’Etat algérien n’a jamais formulé une demande de restitution de ces restes mortuaires. Pas même durant la célébration du cinquantenaire de l’indépendance, ni des soixante ans du déclenchement de la guerre de libération. Idem pour d’autres objets de valeur historique qui demeurent la propriété de l’ex colonisateur.
Ainsi, en 2012, lors de la visite du président français à Alger, François Hollande, tout les algériens attendaient de lui un geste de bonne foi. Alors qu’il s’est vu offrir deux chevaux Barbe avec leurs scelles en fil d’or, lui n’a pas remis les clés d’honneur d’Alger, ni le canon Baba Merzoug, mais un livre sur Tlemcen et un petit bibelot en verre représentant un cheval ! La symbolique ne laisse personne de marbre.
L’historien et président de la Fondation Casbah, Belkacem Babaci a arpenté télés et radios durant plusieurs années pour la restitution du canon Baba Merzoug. Il lui a même consacré un livre. Mais ce trophée de guerre rebaptisé « Le Consulaire », installé dans le port de Brest en France, demeure un bien de la Marine nationale française et de son Histoire.
Quant aux clés d’Alger, remises par le Dey Hussein au général de Bourmont le 5 juillet 1830, lors de la prise d’Alger par les Français, en signe de reddition, elles sont considérées comme “trésor national” par le Code du Patrimoine français et ne peuvent légalement pas sortir de l’inventaire du Musée de l’armée.
Malgré toute la valeur historique que peuvent avoir les clés d’Alger et le canon Baba Merzoug, leur restitution reste secondaire devant les restes mortuaires de nos résistants chouhada. Il est de notre devoir de leur donner une sépulture digne de leur combat, dans leur pays, et avec les honneurs.
S’il y a bien une cause pour laquelle la société civile doit se mobiliser, aujourd’hui, et en priorité, c’est bien celle-là. Signer la pétition pour se faire est un devoir.
K.T.
*Entretien donné par Brahim Senouci, initiateur de la seconde pétition In El Watan Magazine du 26/05/2016.
Pour signer la pétition : https://www.change.org/p/la-direction-du-mus%C3%A9e-de-l-homme-restitution-des-t%C3%AAtes-des-r%C3%A9sistants-alg%C3%A9riens-d%C3%A9tenues-par-le-mus%C3%A9e-de-l-homme?recruiter=198144861&utm_source=share_petition&utm_medium=facebook&utm_campaign=autopublish&utm_term=des-lg-share_petition-no_msg&fb_ref=Default