Système d’irrigation des Foggaras, démarches pour les classer au patrimoine universel

Les démarches actuellement menées par le secteur des eaux pour la classification des foggaras, constitue un des meilleurs moyens de les valoriser et de les préserver, selon l’observatoire des Foggaras.

L’observatoire des Foggaras, créé en 2011 sur la base des recommandations du séminaire international organisé, la même année,  sur ce système d’irrigation oasien traditionnel, s’emploie à cette démarche, sous la supervision de l’agence nationale de gestion intégrée des ressources hydriques, a déclaré dimanche à l’APS le directeur de cet observatoire, Dr. Youcef Boutedara.

Il a entamé son travail par un recensement exhaustif des foggaras, à travers les régions du Touat, Gourara et Tidikelt, où elles se concentrent principalement et ce à travers la collecte d’informations, socio-historiques et physiologiques inhérentes à ce procédé d’irrigation des palmeraies et jardins en milieu oasien. Par ailleurs, l’observatoire des Foggaras mène de larges actions de sensibilisation du mouvement associatif, des propriétaires de ces foggaras et de la population scolarisée sur l’importance de ce système hydraulique et de la préservation de ce legs ancestral, a-t-il expliqué.

Un premier « Altas » concernant les foggaras, renfermant toutes les informations en rapport avec ce patrimoine, y compris les moyens humains et matériels engagés, à travers ce système, dans le cadre de l’irrigation agricole dans ces régions, est en cours d’élaboration. L’objectif en est de faire connaitre la culture des anciens habitants de la région, leur génie unique en matière d’adduction de partage, selon un mode social traditionnel qui suscite, encore de nos jours, l’intérêt de nombreux chercheurs et anthropologues, a fait savoir le même responsable.

A ce titre, des actions sont menées, en coordination avec différents partenaires (secteurs, instances et mouvement associatif),  pour mener à bien cette opération, a ajouté Dr. Boutedara en soulignant que l’organisation prochaine d’une journée d’information sur les foggaras, s’inscrit justement dans cette optique, devant permettre à l’observatoire de créer un « Musée de la Foggara » à Adrar qui fera connaitre plus amplement au public ce qu’est ce système, sa constitution et ses dimensions économique, socioculturelle et civilisationnelle.

Véritable défi de l’Homme ayant permis le peuplement d’une région saharienne, naturellement l’une des plus hostiles au monde, la foggara a bénéficié d’un intérêt particulier de la part des pouvoir publics qui lui ont consacré, dès le lendemain de l’indépendance et à ce jour, plusieurs programmes de développement afin de la préserver.

Un dernier recensement établi par les services agricoles en 2011, fait état de l’existence de 828 foggaras, dont 736 fonctionnelles, selon le même interlocuteur. Il explique, à titre d’illustration, la mobilisation, au titre du programme quinquennal précédent, d’un financement de 300 millions DA pour la réhabilitation et l’entretien de ces foggaras et leur renforcement par de nouveaux forages pour élever leur débit, ainsi que de campagnes de sensibilisation et de vulgarisation agricoles sur l’intérêt de préserver le système agricole de type oasien.

Dans le même sens, a été réalisée aussi une étude de réhabilitation de la palmeraie de Timimoune, ciblant notamment son système d’irrigation traditionnel, à travers l’entretien de ses puits et séguias, un réseau d’adduction et de partage des eaux entre les palmeraies et jardins, selon un procédé qui revêt une profonde symbolique socioculturelle, et un intérêt économique et touristique, dans le Gourara.

Les mêmes services alertent, néanmoins, sur de nombreux facteurs mettant en péril les foggaras, notamment l’extension urbaine en proximité des tracés des systèmes fragiles des foggaras, l’aménagement de routes au-dessus, leur causant des dommages par les vibrations provoquées par le passage des véhicules, notamment de gros tonnage, ainsi que le forage de puits profonds en proximité, entraînant du coup, une diminution des débits de leurs eaux. Ceci, en plus déjà de leur vétusté elle-même due à leur âge.

Un état de fait qui ne peut trouver sa solution, que par un engagement collectif et une approche coordonnées de l’ensemble des acteurs concernés, depuis les instances exécutives, les collectivités locales, et jusqu’à la société civile, pour préserver la foggara, source de vie de l’agriculture oasienne dans la wilaya d’Adrar, a-t-il estimé.

Pour sa part, la direction de wilaya des Ressources en eau a fait état d’un recensement effectué entre 1959 et 1961 et qui a donné lieu à l’enregistrement de 909 foggaras fonctionnelles sur un total de 1.416, assurant un débit moyen de 3,7 litres/seconde, et a consacré à ce mode hydraulique, à Adrar, plusieurs projets, de 2007 à 2014, avec un financement conséquent, ciblant 160 de ces foggaras dans différentes régions de la wilaya.

Ces financements, puisés sur différents fonds et programmes de développement, ont permis de préserver ce système traditionnel unique en son genre, ayant assuré la pérennité de la palmeraie, en tant que ressource économique et legs culturel, a-t-on assuré.

Pour sa part, l’agence nationale des ressources hydrique (ANRH) a grandement contribué à l’identification et au diagnostic des foggaras, sur des bases scientifiques, pour mettre une base de données fiable à la disposition des instances de tutelle et des chercheurs, sur laquelle s’appuieront les efforts visant leur préservation.

Un état des foggaras, actualisé l’an dernier, fait ressortir l’existence de 679 foggaras actives, 28 autres actives, mais dont le débit tellement faible ne permet pas d’atteindre les palmeraies, en plus de 758 foggaras dont les eaux se sont taries et de 369 foggaras « définitivement perdues », a déclaré le directeur régional de l’ANRH, Taha Lansari.

Ces données ont permis d’identifier aussi, par voie satellitaire, 154.360 puits sur le tracé des systèmes de foggaras, depuis la région de Tsabit au nord de la wilaya, vers celles de Zaouiet-Kounta au Sud, et l’opération se poursuit pour couvrir les autres systèmes de foggaras à travers la wilaya, a-t-il précisé.

Concernant leurs eaux, l’ANRH fait état d’un débit de 1,7 m3/seconde, réparti sur 97 foggaras débitant entre 9 et 29 litres/ sec, 227 foggaras débitant entre 1 et 5,9 L/s, et 355 foggaras débitant moins de 0,9 L/s.

Pour ce qui est de leur qualité, 94 % des eaux des foggaras sont considérées comme bonnes pour l’agriculture, selon la même source qui précise que 71% ont une eau avec une teneur en sel jugée « acceptable » et 23 % avec une salinité « moyenne », contre 6 % ayant une forte salinité.

De son côté, le président de l’association de wilaya de restauration et de préservation des Foggaras, Moulay Abdallah Smaili, a insisté sur la nécessité de capitaliser le savoir local ancestral et les connaissances académiques modernes dans la conception de modes d’intervention à l’intérieur des foggaras, en associant leurs propriétaires dans les actions de restauration.

Ceci, sachant qu’une commission de wilaya de suivi des foggaras a été déjà mise sur pied et sa charge confiée à des entrepreneurs qui ont, eux-mêmes, besoin de connaissances du terrain et de l’expérience des propriétaires des foggaras, à l’instar des endroits à fort ou faible débit d’écoulement des eaux, pour faciliter ainsi les opérations d’intervention, a-t-il expliqué, avant de déplorer le « désintéressement des jeunes comme étant, présentement, l’une des plus grandes contraintes dont souffrent les foggaras ».

Source :

APS

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