Raconte-arts est un festival pluridisciplinaire et incontournable pour les amoureux de l’art, ayant pour leitmotiv « A LA DÉCOUVERTE DES CULTURES ET DES ARTS ». Le partage, l’échange et le dialogue des cultures, sont au cœur des préoccupations des organisateurs.
Cet événement né en 2004, est le fruit de cogitation de trois amis : Hacène Metref, Denis Martinez et Salah Silem; et depuis leur première rencontre, les « racontaristes » sont de plus en plus nombreux à sillonner la Kabylie dans un esprit festif et jovial .
Cette année, c’est à Iguerssafen qu’a eu lieu la douzième édition du festival qui s’est déroulé du 24 au 31 juillet, et qui fut placé sous le thème de « L’esprit de Tajmaât réinventé ». A l’instar de l’agora grecque, le Tajmaat kabyle est un lieu de communion et de démocratie; c’est le cœur palpitant de l’organisation sociale kabyle. Pour l’adapter au festival, une série de forums et de séances de réflexion se sont organisées autour de ce thème.
La particularité de ce festival réside dans le fait d’impliquer les villageois dans l’organisation des activités, et de la logistique; ce qui favorise l’autogestion, et permets aux habitants de se rendre acteurs de l’élaboration de la scène socio-culturelle. « Raconte-arts place l’humain au sein des préoccupations artistiques » souligne le réalisateur Menad Embarek . Ami du festival, et présent depuis sa création, il participe à cette édition en présentant son court métrage «Concerto pour deux mémoires ».
Raconte-arts c’est surtout un programme riche et diversifié, de quoi occuper petits et grands tout au long de la journée. Le coup d’envoi fut donné par le lancement de l’œuvre performance de Denis Martinez, une œuvre qui n’a cessé de grandir et de susciter curiosités et débats tout au long de l’événement. De son côté, le crieur public lève sa voix vers les cieux, annonçant le programme du jour à l’heure où les « racontaristes » se retrouvent; c’est-à-dire dès l’aube, pour un petit déjeuner inspiré du terroir culinaire kabyle. Un menu gourmand et copieux, offert par les femmes d’Iguerssafen, accompagné d’une nourriture pour les âmes : les chants Ashwig qui retentissaient çà et là, symbolisant la générosité des femmes du village.
Des expositions éclectiques de peintres et de photographes se côtoient, sans oublier la participation de nombreux artisans venus présenter leurs produits du terroir, issus du commerce équitable : Tapis, burnous, robes kabyles, poterie, apiculture, Huile d’olive, figues sèche, caroubier en poudre… et tant d’autres réalisations.
Une série d’ateliers, de séances de réflexions, de forums et autres tables rondes se sont déroulés quotidiennement, aux rythmes des concerts qui se sont succédé sur toute la durée du festival.
Parmi les ateliers qui ont marqué cet événement, citons ceux dédiés aux enfants tels que « Droit d’enfant, animé par Nassima d’Guettal, ou encore « Masques pour enfants », animé par Djamal Ousmer. Les ateliers d’écritures ne sont pas en reste, avec celui consacré aux « Exercices de style », animé par Julien Barret; ou à l’écriture pour jeunes, conduit par Marion De Dominicis. La section art s’est quant à elle illustrée par un atelier photos en plein air, activé par Houdaifa Amar, Malek Bellahsene et Adam Lahcene; et par la mise en place d’un atelier théâtre pour enfants, par Farid Belayat. Enfin, des projections documentaires, des conférences et des spectacles en tous genres furent présentés tout au long de l’événement Raconte-arts
Les arts investissent tantôt la scène, tantôt la rue. Le mime illusionniste Redoine Kaki attise les curiosités, pendant que des jeunes musiciens professionnels ou amateurs jouent dans le café du village, dans les ruelle d’Iguessafen… On se fraye un chemin entre El Goual Mohamed Adi, et les troubadours occitans : Christophe Roux, Léa Duval et Alix Nérin; et les notes de l’accordéon, de la trompette et la Huger harp entraînent dans leurs sillages une kyrielle de joyeux qui tape des mains. Les youyous spontanés font échos à la musique.
Le carnaval Ayred ainsi que la déambulation nocturne éclairée à la lumière des bougies : une tradition maintenue à Raconte -arts au fil des éditions, furent des moments de grandes joies et d’intenses émotions.
La magie continue avec « La Nuit du conte », pendant laquelle une pléiade de conteurs venus d’horizons divers, ont partagé avec nous, en français, kabyle et en arabe, les légendes et mythes d’antan : Gilgamesh s’est ainsi invité à notre assemblée, Djeha aussi! Nous voyageons de la sorte, dans l’espace et le temps, et découvrons parmi ces histoires, une Biskra fantasmagorique contée par Cahina Bari , et nommée « El oued el oued « . L’amour et ses péripéties furent narrés par Leila Aguentil, et les sagesses du Congo révélées par Jorus Mabiala. La passion quant à elle, nous mena au bout du monde, à la recherche d’une belle princesse ensorcelée, et que Mohamed Adi nous a présentée.
Autre moment fort du festival : el Khouans de la zaouia Rahmania font retentir leurs dhikr au tajmaat… Un moment de partage, et une fenêtre ouverte sur un islam tolérant.
Révélateur de talents, Raconte-arts sème sur sa route des graines d’artistes. La photographe et rédactrice Ouerdia Ousmer fidèle au festival depuis dix ans, témoigne : « Raconte-Arts est une aventure atypique c’est bien plus qu’un festival. Il peut susciter des vocations, il provoque pléthore de rencontres et sème l’art, là où il passe ». Raconte-arts a réussi un pari fou, celui de nous réconcilier avec les composantes épars et éclectiques de notre identité : « l’africanité » et la « berbérité », et de rester en osmose avec l’autre rive de la méditerranée, .
Leila A
Crédit photo :
- Ouerdia Ousmer
- Malek Bellhassen
1 commentaire
beau récit leila l’importance de l’evenement est bien soulignée