L’imzad tout comme le diwan s’articule autour d’un rituel, ils comprennent tous les deux au moins un instrument musical artisanal entièrement fabriqué manuellement et avec des matières premières naturelles, les deux styles s’accompagnent de textes transmis oralement et nécessitant des traductions, les sons et rythmes des deux musiques sont difficiles à assimiler dans les musiques et les sonorisations contemporaines les praticiens présentent tous des spécificités anthropologiques de grande importance. Tout ceci pour dire à quel point ces musiques peuvent se ressembler mais quelle importance a-t-on accordé au diwan comparativement à une musique aujourd’hui inscrite par l’UNESCO au patrimoine mondial de l’humanité.
En premier lieu, les plus importantes joueuses d’Imzad capables d’enseigner cet art ainsi que les hommes dépositaires de la poésie qui accompagne le jeu sont tous connus répertoriés au niveau de la tutelle et des centres de recherches et ces praticiens reçoivent régulièrement de la matière première nécessaire à la fabrication de l’instrument et une assistance médicale ce qui est très loin d’être le cas des diwan qui se connaissent entre eux.
La poésie et les différents airs de l’Imzad sont tous aujourd’hui enregistré dans une banque de données numériques, et la poésie ancestrale en Tamasheq transcrite et même traduite en plusieurs langues alors que le diwan qui compte des centaines de bradjs dont certains ont déjà disparu n’a jamais bénéficié d’un tel intérêt des chercheurs même si, théoriquement, il existe quelques spécialistes, alors qu’aujourd’hui les jeunes avouent chanter des textes sur lesquelles ils n’ont aucune information et réclament ne serait-ce qu’un petit livret contenant des textes transcrits.
Lors de la constitution du dossier de classement l’anthropologue Badi Dida avait aussi soigneusement étudié l’environnement dans lequel évolue cette musique tout comme le rituel dont elle émane ainsi que les différents bouleversements qu’elle a subit ce qui a à peine été survolé dans le diwan par des universitaires issues généralement d’autres domaines et qui n’ont jusqu’à ce jour que de très rares publications.
Aussi l’évolution et le passage de l’environnement naturel qu’il soit sacré, familiale ou intime à l’espace profane, grand public et truffé de technicité qu’est la scène artistique s’opère avec beaucoup de prudence et une infini lenteur pour l’Imzad qui a l’air de préférer garder son cadre originel contrairement au diwan qui été violement propulsé sur scène sans encadrement, un passage du sacré au profane longuement discuté par des passionnés à Bechar lors du festival sans grand résultat.
Résultat des courses il est des régions qui ont perdu l’utilisation du goumbri dans le diwan et qui ne l’ont retrouvé que pour prendre part au festival, un événement qui a permis au public et aux chercheurs de découvrir entre autres un diwan chanté en tamazight, un autre basé sur la danse et le tbel sans goumbri, le redécouverte du kerktou ou de troupes dans des régions jusque là insoupçonnées pour ne citer que cela.
Mohamed Rafik