Entre la fin du 17è et le début du 18è siècle, un bey de Constantine, Redjeb bey, donna en mariage sa fille, Oum-Hani, à El-Guidoum, de la famille des Daouaouida, dans l’espoir de conserver l’appui de ces turbulents nomade pour en faire ses alliées et, peut-être, de se rendre indépendant. Quel rôle à jouer Oum Hani dans cette alliance ? Et quels sont ses exploits ?
Qui est-elle ?
On rapporte que Oum Hani, de mère espagnole, était douée d’un caractère énergique et viril. Le voyageur Peyssonel l’a rencontrée en 1724, lorsqu’elle était âgée. Il a été frappé par la grande dignité de Oum Hani. Elle était très respectée des nomades du désert.
Mariée à El-Guidoun, chef de la tribu nomade des Daouaouida, la jeune femme, issue d’un milieu palatial et citadin, doit apprendre à vivre comme une nomade. Au sein de cette tribu, les femmes participent pleinement aux tâches des hommes, y compris aux activités militaires. Les Daouaouida, étant des nomades, changent de lieu selon les saisons, ce qui rend leur vie imprévisible mais séduisante. Oum Hani finira par apprécier cette existence en plein air, où la cohésion et la solidarité du groupe sont primordiales, et tout est partagé de manière équitable. Cependant, la mort de son époux laisse planer des incertitudes sur son avenir… Sera-t-elle en mesure de trouver sa place sans la protection de son mari ?
Oum Hani décide de rester dans la tribu et accepte d’épouser son beau-frère, Ahmed Ben Sakhri, comme le veut la traditions, mais sous certaines conditions. Elle souhaite maintenir son statut de première femme des Daouaouida, bien qu’Ahmed ait déjà une épouse, Redjerada, connue pour son caractère bien trempé. Après de longues négociations et le respect de la période légale de retrait pour les veuves, le mariage est conclu. Oum Hani s’installe sous la tente d’Ahmed Ben Sakhri, tandis que Redjerada quitte son foyer.
Peu de temps après, son père, Redjeb Bey, se rebelle contre le pouvoir central et est destitué. Ses partisans sont traqués, et son épouse, Meriem et ses deux fils sont en danger. Oum Hani demande à son époux, Ahmed Ben Sakhri, de les protéger, mais celui-ci tarde à agir, n’oubliant pas l’affront que lui a fait Redjeb Bey dans le passé. Bien longtemps avant que Oum Hani ne devienne l’épouse de son frère, Ahmed avait manifesté un intérêt pour elle. On raconte qu’il avait même demandé sa main, mais Redjeb Bey avait refusé en raison de la condition sociale d’Ahmed. Cette humiliation a laissé une rancœur profonde chez Ahmed, qui a persisté jusqu’à sa mort. Face à cette situation, Oum Hani décide de prendre les choses en main et se rend elle-même pour chercher sa mère et ses frères.
Ahmed Ben Sekhri supporte mal la présence de l’épouse de son ancien rival, ainsi que celle de ses deux fils, Ali et Osman. Craignant qu’ils ne représentent une menace pour lui, il décide de prendre les devants en éliminant ses beaux-frères. Lors d’une partie de chasse entre Biskra et Sidi Okba, il fait assassiner Ali, mais le plus jeune Osman réussit à s’échapper et va annoncer à sa sœur la funeste nouvelle. Déterminée à se venger, Oum Hani, qui avait déjà acquis une grande autorité en unissant différentes factions de sa tribu, se lance dans une quête de justice. Elle retrouve son mari et le tue personnellement en lui transperçant la poitrine avec une lance. Revenant triomphante au camp, elle annonce la mort d’Ahmed et prend le commandement de la tribu. Désormais c’est elle qui conduit les expéditions tribales, inspirant la crainte chez ses ennemis. Les chefs des tribus voisines, impressionnés par son pouvoir, viennent la consulter et cherchent à former des alliances avec elle. Au fil des années, Oum Hani se consacre à renforcer son autorité et à élever ses quatre fils les entraînant dès leur jeune âge pour devenir des guerriers redoutables.
Rivalités
Au fil du temps, Oum Hani accumule de nombreux ennemis, mais son plus grand adversaire est une femme : Redjerada, l’ancienne épouse d’Ahmed Ben Sakhri. Redjerada, qui ne pardonne pas à Oum Hani de lui avoir pris son époux et de l’avoir fait tuer, incite ses fils à mener une campagne contre Oum Hani, exploitant des ressentiments raciaux et tribaux pour rallier les partisans. Tous ceux qui ont des raisons de détester Oum Hani se rallient à leur cause. Lorsque leur nombre est suffisant pour former une armée, ils lancent une attaque contre le camp d’Oum Hani. Une guerre sans pitié s’engage entre les deux camps. Les troupes d’Oum Hani, mieux entraînées et plus nombreuses, dominent le combat. Face à la perte d’un de ses fils, Redjerada ordonne le retrait de ses forces, et Oum Hani remporte une nouvelle victoire.
La revanche
Pendant qu’Oum Hani consolide son pouvoir en s’emparant de la ville de Touggourt, Redjerada ne perd pas de temps. Elle se met immédiatement à organiser la résistance contre sa rivale. Avec son second fils, Farhat, elle regroupe tous les mécontents de la gouvernance d’Oum Hani et forme une armée imposante, bien plus puissante que celle d’Oum Hani. Farhat lance l’attaque. Après de nombreux affrontements, il parvient finalement à vaincre sa belle-mère. Durant ses combats les 4 fils d’Oum Hani trouvèrent la mort.
Contrainte de se rendre, Oum Hani trouve refuge avec quelques fidèles parmi la tribu des Eulma près de Sétif. Reconnaissant ses exploits, les habitants de la région lui offrent un accueil respectueux, et sa demande d’asile est acceptée avec bienveillance. Ainsi se termine l’ère d’Oum Hani en tant que guerrière. Désormais, elle vivra en paix dans le désert qu’elle a autrefois dominé, en femme libre, jusqu’à la fin de sa vie.
Rym Maiz
Sources :
Femmes d’Algérie: Légendes, Traditions, Histoire, Littérature de Jean Déjeux
L’Afrique du Nord au féminin – Héroïnes du Mahgreb et du Sahara Par Gabriel Camps
Une ville, une histoire : la geste d’Oum Hani – K Noubi