Les Morisques étaient des musulmans d’Espagne convertis de force au catholicisme après l’abrogation par les Rois Catholiques des accords qui leur permettaient, bien que vaincus, de conserver sur le sol espagnol leur foi et leurs coutumes islamiques.
Les édits de conversion de 1502 ont suivi l’abrogation des accords signés en 1492 entre les Rois Catholiques et Abû Abdil-lah, dernier roi de l’Émirat de Grenade. Ils constituaient une minorité importante dans le Royaume de Valence, la vallée de l’Èbre et l’Andalousie orientale.
Les Espagnols commettront plus tard des erreurs, surtout celles d’avoir chassé les Juifs et les Morisques qui représentaient un important réservoir intellectuel pour le pays. Le déclin de leur puissance impériale va s’amorcer très vite. Si bien que moins d’un siècle plus tard les Algériens verront leurs bagnes se remplir d’esclaves espagnols et portugais (entre autres).
La raison en fut que la guerre de course (piraterie) s’intensifiait. Les Musulmans andalous (Morisques) n’avait pas d’autres alternatives que d’aller se réfugier au Maghreb, leur terre d’origine. Ils emmèneront dans leurs bagages, une partie de la puissante culture andalouse. Et un désir de vengeance compréhensible, car les rois catholiques les avaient trahis, puisqu’après leur avoir promis qu’ils seraient libres de vivre à leur guise et selon leurs rites religieux en Espagne, ils furent chassés avec la plus grande violence. Bien évidemment avant d’en arriver là, les Espagnols pressaient leurs administrés musulmans de se convertir au Christianisme…
La première phase de l’expulsion de 1609 était orienté vers l’enclave espagnole d’Oran et de Mers El-Kebir, car elles semblaient offrir des moyens suffisant pour la réception d’un grand nombre de galères.
Les expulsions vont s’étirer jusqu’en 1614. Les Morisques voient leurs biens confisqués au profit du duc de Lerma et de ses partisans, ou encore de leurs seigneurs.
Ils sont chassés dans de pénibles conditions vers les ports d’Afrique du nord, Oran, Tunis… où ils sont plutôt mal accueillis par les habitants du cru. À Oran, ville espagnole jusqu’en 1792, ils sont refoulés par les autorités et massacrés par les Berbères des environs, qui les perçoivent comme des envahisseurs.
Au moment de l’expulsion, les autorités espagnoles poussent parfois le cynisme jusqu’à leur demander de payer leur voyage.
Ces départs forcés ont des conséquences désastreuses pour l’Espagne en privant de bras et de cerveaux son agriculture, son élevage, ses corporations de maçons et son industrie textile.
Dans la région de Valence, où ils sont nombreux et très actifs, les grands propriétaires protestent contre une mesure qui les prive de travailleurs de qualité. On leur attribue en compensation les terres et les maisons des Morisques.
L’expulsion des Morisques suit d’un siècle celle des juifs, chassés d’Espagne en 1492, l’année où Christophe Colomb s’embarqua pour les Indes. Elle illustre la montée de l’intolérance en Espagne au nom de la « Impieza de la sangre » (la pureté du sang)
Un débat relatif à la question de l’expulsion des Morisques a été ravivé à la suite des commémorations de l’événement.
Le 25 novembre 2009, le Congrès des députés espagnol adopte une proposition visant à la « reconnaissance institutionnelle de l’injustice commise à l’encontre des Morisques ». À ce sujet, le député socialiste José Antonio Pérez Tapias, instigateur de la proposition, déclare notamment : « Il s’agit de reconnaître que l’expulsion massive des Maures d’Espagne […] a été une grande injustice […] L’Espagne actuelle a un « devoir de mémoire » que nous menons maintenant envers ces gens »
« Il convient de signaler, qu’en 1992, le Roi d’Espagne a présenté les excuses de l’État aux descendants des juifs expulsés d’Espagne en 1492, soit 124 ans avant l’expulsion des Morisques. Ainsi, l’absence d’une telle reconnaissance vis-à-vis des descendants des Morisques en 2009 a soulevé beaucoup d’indignation auprès de cette communauté, nourrie par une politique espagnole de « deux poids, deux mesures » sous-tendant une injustice profonde. »
Mira B.G
Sources :
- Kamel Boussaboua, « Les amis de Skikda
- Mario Vargas Llosa, « La expulsión de los moriscos », El País, 29 novembre 2009 [archive]
- Illustration : « Arrivée des Morisques à Oran« , Vicentre Mestre, 1614