Beaucoup de ces marchands furent d’abord janissaires ou marins, avant de se convertir au commerce. Ce genre de vie était bien plus paisible et exempt de péril. D’autres sont dressés, par leur maîtres et patrons, à cette carrière, dès l’enfance. Les marchandises qu’ils opèrent sont celle de la Berbérie : blé, orge, riz, vaches, boeufs, moutons, laines, huiles, beurre, miel, raisins secs, dattes, soie … etc. On ne peut traiter en cuirs ou en cire tant qu’on n’a pas obtenu une permission du pacha pour acheter ces deux denrées aux Maures et les vendre aux chrétiens. Beaucoup de ces marchands achetaient les butins des corsaires, dont les captifs chrétiens de tout âge, et les revendaient, ce qui leur permettait de faire de très grands bénéfices dans ce genre de trafic. Les chrétiens se vendaient à la criée et à l’encan dans le souk, rues où se retrouvent les principales boutiques de marchandises. La vente ne sera pas conclue avant que le chrétien ne soit crié durant trois jours successif, sur le souk. Au bout de ce terme, on conduit l’esclave au Pacha, afin que celui-ci voit s’il lui convient de la prendre ( par droit de préférence), au prix qu’on a donné au marché.
Tous ces marchands trafiquent des marchandises que les navires chrétiens apportent à Alger avec sauf-conduit, les achetant en gros et les revendant au détail pour les gens de la ville, du dehors, et de toute la Berbérie, car nulle part sur cette côte, ne viennent autant de marchands chrétiens qu’à Alger.
Les bâtiments qui viennent d’Angleterre apportent quantité de fer, de plomb, d’étain, de cuivre, de la poudre et des draps de toutes sortes.
Ceux venant d’Espagne, et spécialement de la Catalogne et de Valence, sont chargés de vins, de sel, d’essences colorantes, de cochenilles, de coiffures et de Haïeks teints en rouge, de perles et aussi d’or et d’argent monnayés dont ils tirent de grands bénéfices.
Les navires de Marseille et autres ports de la France apportent toute espèce de mercerie, des cotonnades, du fer, de l’acier, des clous, du salpêtre, de l’alun, du souffre, et même de l’huile quand il en manque en Berbérie. Ils apportent également de la coutellerie fine, de la gomme, du sel, du vin et même des chargements de noisettes et de châtaignes. Ces bâtiments vont aussi chercher en Espagne des marchandises prohibées, qu’ils font entrer à Alger en contrebande.
De gênes, de Naples et de la Sicile, arrive la soie filée de toute couleurs, des étoffes de Daas, de satin et du velours de toutes sortes.
Quant à Venise, elle fournissait de la chaudronnerie, des draps, des coffres, des glaces et du savon blanc.
Des marchands turcs apportent de Constantinople des rames de galères, des toiles et des étoffes pour rubans, des poignards damasquinés, des ceintures, des tapis, des caftans fourrés de marte, des cuillères sculptés, de la porcelaine, et enfin des plats et vases bien travaillés provenant d’Alexandrie ou de Tripoli.
De Djerba, certains marchands maures, apportent des épices, des mousselines, des camelots très fins pour manteaux de femme, et des dattes de Tunis, de la bonne huile d’olives et du savon blanc.De Tabarque et du Bastion de France, beaucoup de corail qui, après avoir été travaillé sous différentes formes, se vend très bien par toute la Berbérie.
Le beurre salé, la viande de boeuf et de mouton, préparée et conservée, qu’ils appellent Chalea, était apportés de Bône. De Constantine et de Collo, de grandes quantités de peaux de chèvres, préparées et teinte de toutes les couleurs, des étoffes de laine grossière pour l’habillement des arabes de classe inférieure, en était apporté.
Cherchell fournissait le miel, les raisins secs et les figues. Oran, fournissait des draps d’Espagne, des bonnets rouges; de Tlemcen, beaucoup de bernous très bien tissés; de Fez et de Sousse, du miel, du savon et de l’argile qu’on utilisait dans les hammams.
En échange, Alger donne aux commerçants de la chrétienté des laines, des cuirs, de la cire, des dattes, et quelque peu de cochenille qui, moins fine que celle d’Espagne, mais de très bonne qualité. On y vend également le butin des corsaires, comme les hardes, épées et coiffures, et il s’y fait encore un grand commerce d’esclaves.
Mounira Amine-Seka.
Source : La vie à Alger, les années 1600, par Diego Haëdo. Ed. Grand Alger Livres, 2004.