Le mariage traditionnel dans El Qaçba zeman – Partie III – Le jour des noces

La fête chez la fiancée – El arss fi dar laaroussa

A la suite du bain de la mariée, après le diner, la famille de la mariée consacre la soirée à la nuit du henné, « lailet el henna ». Cette cérémonie est appelée aussi Grand henné, le petit henné ayant déjà eu lieu lors du dfou’ Musique et danse ponctuent la soirée, on distribue des douceurs et des boissons. On apporte le trousseau pour en montrer quelques pièces aux assistantes ainsi que « les cadeaux d’honneur » faits au père et aux frères du marié si il en a.

Au milieu de la soirée, on fait venir la mariée pour procédée à la pause du henné. Habillée d’un caftan court en velours ouvert en pointe, d’un sarwal en soie et parée de bijoux, la jeune mariée est très peu maquillée. Ses chevilles sont ornées de khelkhal et ses pieds sont chaussés de blighat (mules en cuir jaune et brodée d’or avec pompons de soie). Sur la tète est posée une sarma. La marieuse l’a fait asseoir sur des coussins et la couvre d’un haik rose tissé de soie.

La cérémonie commence, la « hounnana », la poseuse de henné, aidée d’une ou deux femme, prépare le mélange tout en chantant (teqdam). L’habille tatoueuse réalise de fantastique dessins géométrique et motifs floraux sur les mains et les pieds de la mariée. A la fin on enveloppe ses mains et ses pieds de carré de soie. Une fois l’opération terminée la « hounnana » chante quelques vers et la couvre de bénédiction :

« Ya banti, ya lalla, ya redjlin el hmama Qouli l-lahbabak bi slama » ( O ma fille, O ma dame, O toi qui a des pieds de colombe. Dis au revoir à ta famille)

Chant et youyous retentissent pendant qu’on dépose sur les genoux de la mariée un petit garçon pour lui souhaiter d’avoir un premier né. L’ambiance de fête se poursuit jusqu’à l’aube : musique avec différents instruments, danses avec des cierges, distributions de gâteaux et de boissons aux invités.

La khouara : c’est la fête de la mariée donnée par les parents de la mariée.

La khouara commence jeudi matin (jour de mariage) et se poursuit par une réception en début d’après midi. Elle précède la nuit de noce. Cette réception est exclusivement féminine au cours de laquelle la jeune mariée est présentée aux convives (ses parentes et celles du cotés de son mari, amies et voisines).

Le jeudi matin : on s’occupe d’abord, dans la stricte intimité de la famille, avec quelques invitées très proches, d’un cérémonial fermée. La préparation de la mariée par la maachta (coiffure / maquillage / parfumer le corps). La mariée se retire ensuite dans une chambre avec plusieurs filles qui lui tiennent compagnie.

Jeudi après midi : les convives commencent à arriver, ils sont reçu par la mère dans wasst edar, on les fait asseoir sur les matelas et tapis pendant que l’orchestre féminin composé de la medaha (chanteuse), de ses musiciennes et de danseuses s’installent. Elles exécutent des danses traditionnelles et chantent en chœur. Boissons et gâteaux sont servis.

Durant toute la journée  on va chercher régulièrement la mariée revêtue de ses plus belles toilettes. On la fait asseoir quelques instants, comme une reine, face aux invités pour mieux montrer ses toilettes. Cette pose d’exposition est appelée « Tasdira« . Une fois le défilé terminé, la marieuse, qui s’est occupé tout au long de la soirée de la mariée la reconduit dans sa chambre. Elle y restera en compagnie de ses maies et cousines jusqu’à ce qu’on vienne la prendre pour l’emmener dans la maison de son époux. Pendant ce temps la musique et les danses continuent dans ouest edar.

Le départ de la mariée pour le domicile conjugal – Rfoud laaroussa

La famille du marié arrive avec un cortège et une troupe de zorna pour chercher la mariée. Ils sont bien reçu. Quand le moment du départ s’annonce on demande courtoisement à la maman de la mariée de leur remettre « aaroussethoum » (leur mariée). La marieuse va alors la chercher et la conduit jusqu’à la porte de la maison. Sur le seuil son père l’attend, il étend sa main droite au dessus de la tête de sa fille, tandis qu’elle passe en sanglotant silencieusement. La mère serre contre sa poitrine sa fille. Le père la remet ensuite au père du marié ou à son représentant.

A cause de l’étroitesse des ruelles dans la casbah on a souvent recours à une monture magnifiquement harnachée pour transporter la mariée. Une fois la mariée installée sur sa monture le cortège se met en mouvement lentement vers la maison de son mari. Zorna et youyous continuent.

La fête chez le fiancé

La fête se poursuit chez le mari avec une troupe de musiciennes et de danseuses dirigée par el medaha (chanteuse) . La troupe est installée dans la partie réservée aux femmes.

L’arrivée de la mariée à son domicile conjugal

Le cortège s’arrête devant la porte de la maison du marié. On fait descendre la mariée. Le père du mari place la mariée sous le pan de son burnous jusqu’à ce qu’elle soit dans le vestibule et la mère du marié vient au devant d’elle. Elle lui remet une clé dans la main et un morceau de sucre dans la bouche et la conduit ensuite jusque dans la chambre nuptiale. La marieuse l’accompagne. On sert à la mariée du couscous saupoudrée de sucre. Un diner est préparé aux convives qui ne cessent d’arriver. Les musiciennes se font entendre.

Le mari dine avec quelques intimes. Après le repas il disparaît avec ses compagnons. L’ensemble des convives restent pour assister au concert que donne, cette fois, le meddah et ses musiciens qui viennent prendre place chez les hommes un peu plus tard, après que l’orchestre féminin se soit retiré. Des boissons et des pâtisseries sont servis jusque tard dans la soirée.

La toilette de la mariée

La maachta est appelée à se rendre dans la chambre nuptiale. Elle coiffe la mariée et l’habille et elle revoit son maquillage. Une fois prête, la belle-mère la conduit jusque dans la cour centrale, côté femmes, pour la présenter à ses convives. Pendant que la mariée s’installe sur quatre coussins dorés (de façon à ce qu’elle domine la salle), la meddaha chante sa beauté – louanges – « ta’lila ».

La maachta lui étend sur les genoux un grand carré de tissu blanc damassé. Puis à haute voix elle fait cette annonce : « bismillah wa salat ala rassoul ellah (trois fois) man djab chay waada iqerebha lana. Yarham walidih » (Quiconque a apporté son offrande s’approche de nous et que dieu fasse miséricorde à ses parents.)

Les parents et les amies de la mariée présentent la taoussa (cadeaux) : bijoux, riches vêtements, pièces de monnaie,… à la mariée. La collecte est confiée à la mère de la mariée qui garde toutes la monnaie et range les effets dans l’armoire de sa fille.

Ensuite on étend un autre foulard appartenant à la belle-mère qui reçoit la taoussa, de ses convives, qui est faite uniquement de pièce de monnaie.

L’entrée de la mariée dans la chambre nuptiale

Les jeunes hommes s’impatiente, les amis du marié frappent à la porte pour que le jeune marié puisse rejoindre la chambre nuptiale. Les femmes installent alors la mariée dans la chambre face à la porte. On lui couvre le visage d’un mouchoir à tète blanc appelé tchekkat lebra (mousseline).

Les femmes se pressent en foule dans la chambre mais dès que le mari approche elles sortent, il ne reste avec la mariée que la maachta  ou la marieuse (on dit que la maachta s’assied avec elle parce que l’on craint pour la mariée « le ravisseur des épousées »). La chambre nuptiale est généralement au premier étage.

La maachta ou la marieuse a la charge d’introduire le marié auprès de la mariée : en présence des deux familles la marieuse verse de l’eau de fleur d’oranger dans le creux des mains jointes de la mariée qui le fait boire à son mari. C’est ensuite au tour du mari de reproduire la même opération.

Une fois l’assistance parti la marieuse dit au mari : « khoud ma aatak ellah », le mari lui donne une grande pièce de monnaie avant qu’elle ne  s’éclipse.

Synthèse

Source : « La Casbah d’Alger autrefois – Le mariage » – Kaddour M’hamssadji

Image : Mohamed Racim

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