Tandis que quelques élites citadines quittaient la CASBAH pour s’installer dans leurs terres dans la périphérie d’Alger, l’exode rural a drainé une population campagnarde principalement de Grande Kabylie pour des raisons économiques probables. Ces nouveaux venus prenaient possession des habitations et louaient les commerces. Ainsi des familles ont embrassé peu à peu le côté citadin de la Citadelle sans se démettre de leurs origines.
En dehors de la musique andalouse, l’héritage turc se déployait à travers la « zorna ». avec ses instruments à percussion et d’autres à vent. Le patrimoine de certaines villes traditionnelles (Tlemcen, Blida, Béjaïa, Nedroma..) apportait sa touche purement algérienne faite de « hawzi » et d’ « aâroubi ». Les habitants de la Casbah s’étaient vus presque naturellement conduits à la recherche d’un brassage de ces trois volets musicaux. Il leur fallait, en outre, un autre genre musical pour se défaire de la rigidité de la musique andalouse et de ses rythmes plutôt lents. La voie était ouverte à des audaces à l’instar du jazz ou du blues ou encore du fado portugais.
Dans les fumeries (mahchachates) commençaient à évoluer des amateurs avec des instruments à cordes et principalement « le guember », une sorte de carapace de tortue habillée de fils de pêche épaulé par des instruments à percussion et à vent qui composaient ces orchestres amateurs. Des compositions d’ « istikhbarates » comme dans les préludes de « noubates » sur les modes sihli ou sika ou préludes tenant plus d’improvisations qu’à l’obéissance à l’héritage andalous prenaient forme et allaient à la conquête des oreilles d’un public plutôt modeste et ruminant ses frustrations .Quelques morceaux de poésie venant du Maroc et puisé dans « le melhoun » composaient des chansons axées sur des chants religieux, le « medh ». Précédant Cheikh Nador, le maître de Hadj M’hamed El ANKA, on peut citer Kouider BENSMAIN auteur de la célèbre « SIDI SAHNOUN » qui intégra les instruments à cordes dans les orchestres en miroir de ce qui se faisait dans les orchestres portés vers « l’ AAROUBI ». N’oublions pas Saïd DERRAR dont un enregistrement datant de 1924 croupit dans les archives de la Radio Algérienne. Evoquons également Mustapha DRIOUECHE, Saïd LAOUAR, Mahmoud ZAOUCHE. Tous étaient des « meddahines » louant le Prophète Mohamed (QSSL) et l’Islam.
Le « medh » a connu son essor vers les années 1920 puis il laissa la place à des textes plus élaborés du « melhoun », d’un vocabulaire plus riche qui avait peine à épouser le contexte socio-culturel de la Casbah. On parlait alors de MOGHRABI, le Maroc étant le berceau du « melhoun » dès la fin du 16ème siècle
Peu à peu les orchestres commençaient à se produire dans des cafés maures en particulier pendant les soirées du Ramadhan. L’irruption de cette nouvelle façon de chanter et de jouer de la musique heurtait les puristes citadins de bonne condition sociale très attachés à la musique arabo-andalouse qui devint plus la musique classique algérienne d’aujourd’hui.
Dr. Rachid Messaoudi
Images :
- Lithographie, attribuée à H. Hirné (1868-1944) : café maure rue du soudan
- Rare photographie du Chikh Nador et ses enfants, source : https://musique.arabe.over-blog.com/
2 Comment
Bien avant Alger, les Tlemceniens on interprété les textes du Melhoun Marocain à leur manière et ce genre est appelé – Gherbi – à Tlemcen. A Alger ce genre poétique s’appelait – qcid – et vous pouvez suivre ce lien sur youtube:https://youtu.be/ocMw9KdGSgY pour écouter Maalma Yamna (1859 – 1933) dans – Ma Echali fi nhar Al Harb –
Bonjour, je reconnais mes images, on pourrait citer la source : https://webchaabi.com.
Merci de ne pas s’attribuer le travail des autres…
Mahfoud