La population de cette contrée, fidèle à la tradition, expliquera cette singularité, en vous rapportant un récit, propre à l’imagination et la piété populaires : «lors du passage d’un cortège de mariage et lors d’une pause au niveau du djebel, une dame, après que son enfant ait fait ses besoins, lui a fait sa toilette avec un gâteau d’origine berbère (msemène). La malédiction divine s’abattit alors sur le groupe de fêtards , qui a été transformé selon la légende, en pierres. La dame incriminée (Robba) a quant à elle, subi une «ascension». Voilà pourquoi ce monticule situé dans la plaine d’El M’cid, est appelé par les autochtones «Djebel Lalla Robba». Ce djebel recevait dans un passé récent, des visites (zyarates) votives, nous a t-on affirmé. Ce récit incohérent, transmis par la tradition avec des humains pétrifiés comme dénouement, n’est pas sans nous rappeler celui des maudits de Hamam Meskhoutine (Guelma)
Cependant les fouilles archéologiques menées à Benian dans la plaine voisine du Ghriss , nous ont révélé que Robba n’est pas qu’une innocente légende populaire, mais bel et bien, une réalité historique de l’antiquité. C’est au douar chouaref, de la bourgade de Benian, au cœur de la fertile plaine de Ghriss, à environ 50 km du fameux Djebel Robba, qu’ont été retrouvés en 1898, les vestiges de la basilique de Robba. Ce site archéologique de l’antique cité berbéro-romaine, est hélas aujourd’hui, négligé par nos autorités, à l’image de l’histoire méconnue de Robba ou LALLA ROBBA, comme la surnomme les sincères dévots de la région.
Lalla Robba, la religieuse, mais aussi la guerrière, est considérée comme la première résistante de l’Algérie antique, qu’on pourrait, à ce titre, comparer aux autres femmes berbères, avant-gardistes :
- Dihya ( la KAHINA), Reine guerrière, qui unifia les tribus berbères, pour mettre en échec les armées musulmanes pendant 5 ans et,
- Fadhma n’Soumer, surnommée par les français “ la Jeanne d’Arc du DJURDURA”, cheffe spirituelle et stratège militaire, qui dirigea pendant 7 ans la résistance Kabyle, face aux troupes françaises du Maréchal Randon.
Pendant plus de cinq ans (429 à 434), Robba mène parallèlement à son action religieuse, une guerre sans merci jusqu’à son assassinat par les traditeurs. Elle avait 50 ans.
Charles André Julien nous instruit que : «les fouilles opérées à Ala Miliara (Benian), en 1898, nous permettent d’évoquer les rencontres sanglantes entre hérétiques et orthodoxes dans la Maurétanie occidentale où le donatisme restait puissant. Elles mirent à jour les caveaux de plusieurs dignitaires de la secte, notamment celui de la religieuse Robba, qui succomba, en 434, sous les coups des traditeurs» .Parmi ces foyers de résistance à l’autorité romaine alliée de l’église officielle impériale, celui qui était situé dans les plaines de M’cid et Ghriss, avait donc, à sa tête, en suivant toujours C.A. Julien, une femme : « ROBBA. La religieuse, la berbère autochtone de la Maurétanie Césarienne profonde, avec sans doute l’appui de l’évêché d’Aqua Sirens ( Bouhanifia ) et celui d’Ala Miliara (Benian) a choisi le moment propice, c’est-à-dire l’invasion vandale pour organiser un mouvement de révolte, avec les prolétaires, contre l’église officielle et les colons».
Le donatisme est un schisme qui divisa l’Église, en Afrique, pendant trois siècles et demi, de la fin de la persécution de Dioclétien à la conquête arabe. Il a pris son essor dans ce qui correspond approximativement au territoire de l’Algérie, malgré les persécutions, les donatistes issus du prolétariat berbère, ont mené une courageuse et rude résistance contre les notables berbero-romains spoliateurs.
Le site de Benian (Ala Miliara), qui fut donc, la citadelle de la résistance prolétarienne de la Maurétanie Césarienne, après avoir été dépouillée au cours des fouilles de 1898, puisque l’inscription de la martyre donatiste (Robba), les épitaphes de l’évêque Donatus et un des chapiteaux de la colonne de l’abside ont été envoyés au musée du Louvre, où ils furent longtemps exposés dans le pavillon dédié à l’Algérie, n’en continue pas d’être dilapidée Au lendemain de l’indépendance, le pillage et le trafic mercantiles des vestiges a fait leur apparition. Les coopérants accompagnés par des habitants ignorants et cupides, ont fait main basse sur de nombreuses pièces archéologiques.
Une partie de la muraille de la basilique, élevée pour symboliser la grandeur de la martyre, est ostensible et l’emplacement de la Basilique de 26,80 m de long, sur 16 m de large, localisé avec précision, pourtant il n’a pas livré tous ses secrets. Il faut vite le prendre en charge car ce témoin d’une histoire du passé, est livré aux affres du temps et au pillage des hommes, en dépit des promesses , de la ministre de la culture, de missionner une équipe pour préparer le classement de du Djebel Lalla Robba et de la basilique*. C’était en 2009.
Farid GHILI
Faridghili@gmail.com
* La basilique est construite sur les caveaux des dignitaires donatistes. Ils sont disposés en ligne droite, à l’extérieur et à l’est de la place forte, au sommet d’une pente rapide qui descend vers la rivière (Oued Taria). Ils étaient presque adossés au rempart. On cite : – L’ évêque Nemessanus qui vécut soixante ans, mourût le 22 décembre 422. – La religieuse Julia Geliola, soeur de Nemessanus, morte le 07 octobre 422. Elle a vécu cinquante ans. – Le prêtre Victor décédé le 21 septembre 433. – L’évêque Donatus décédé à quatre-vingts ans après l’année 439. – La religieuse Robba assassinée le 25 mars 434 à l’âge de cinquante ans et reçut la palme de Martyre. – Le Prêtre Cressens mort le 27 février 434 à l’âge de cinquante ans. – Le prêtre Donatus décédé le 11 mars 446, douze années après la martyre Robba
Bibliographie et sources:
- Stephane Gsell Les monuments antiques de l’Algérie.
- Charles André Julien : L’Afrique du Nord des origines à la conquête arabe
- Revue Africaine. Volume 57. Le Christianisme en Afrique.
- M Belkacem Tedjini Ziane et Dr Driss Refass
- credit photo : Driss Refas
1 Comment
Bonjour.
Ma recherche sur le donatisme en Maurétanie Césarienne m’a permis de mettre en valeur La donatiste Robba fille de la plaine du Mcid(Sfisef) et de Ghriss(Benian-Ala Miliaria). La recherche a duré plus de dix années. Mon ouvrage intitulé « De Robba à l’arbre de Fer, j’écris mon nom »Editions:Edilivre-2013-Paris met en exergue la vie romancée de Robba Effectivement, madame la ministre de la culture de l’époque , dans sa lettre du 04 mai 2009, m’a promis d’envoyer une mission sur les sites de Djebel Robba et la citadelle de Benian où est enterrée Robba pour une étude historique et archéologique pour un éventuel classement des deux sites.Malheureusement, l’attente dure à ce jour.Je remercie l’auteur de cet article pour l’effort fourni à travers la lecture de mes différentes conférences et contributions pour arriver à une synthèse accessible au lecteur. Je tiens à préciser que la légende racontée sur Djebel Robba est d’origine autochtone, transmise à travers les générations. Aussi, l’évêque de la basilisique d’Aqua Sirense était Honoratus, frère de Robba.
Dr Driss REFFAS (Pseudonyme: Belkacem Tedjini Ziane).