Au XVIIIe siècle, Alger était une ville organisée autour de ses quartiers, chacun disposant des infrastructures indispensables à la vie quotidienne. Comme le souligne R. Le Tourneau, « chaque quartier d’une grande ville est pourvu des organismes élémentaires indispensables à la communauté qui l’habite : mosquée, four à pain, boutiques où l’on trouve des objets de première nécessité. » Parmi ces services, les kûsha, ou fours à pain publics, occupaient une place primordiale dans la vie des habitants.
Contrairement aux boulangeries modernes, les kûsha n’étaient pas des lieux où l’on achetait du pain, mais des espaces collectifs où les habitants venaient cuire leurs propres pâtes. Gérés par des spécialistes de la cuisson, ces fours étaient omniprésents dans la ville, souvent situés à proximité immédiate des habitations. Après la prise d’Alger en 1830, l’explorateur M. Rozet avait décrit ce fonctionnement avec précision : « Il y a dans chaque rue un ou plusieurs fours publics, où chacun vient apporter son pain. »
Chaque jour, les habitants apportaient leur pain à cuire. Le responsable du four, veillant à maintenir une température constante grâce à des broussailles ajoutées dès l’aube, assurait une cuisson uniforme. Rozet notait ainsi : « On entretient constamment le feu afin que le four soit toujours à peu près à la même température. » Ce cycle de cuisson rythmait les journées de nombreuses familles.
En plus des fours accessibles à tous, il existait des kûsha spécifiques, appelées « Kûshat al-Jijliyya », dédiées à la cuisson du pain pour les janissaires, administrés par une corporation de Djidjelli. Ces fours, bien plus que de simples équipements pratiques, reflétaient l’organisation sociale d’Alger au XVIIIe siècle, où chaque quartier fonctionnait de manière autonome.
Rym Maiz
Sources :
Tunis et Alger au XVIIIe siècle – Livre de Jean Michel de Venture de Paradis
La ville d’Alger vers la fin du XVIIIe siècle – Tal Shuval