Firmus – Un prince berbère qui défia Rome

Prince maure du IV e  siècle, Firmus, prit la tête d’une des plus grandes insurrections en 365 après J. C. contre l’empire romain qui dominait encore l’Afrique du Nord et marqua à jamais son nom dans l’histoire. Il fut vaincu par Théodose l’Ancien.

Qui était Firmus ?

Né à Thénia, dans l’actuelle Kabylie, Firmus est le fils d’un puissant souverain numide, Flavius Nubel (mort en 370), de la tribu des Jubales, qui occupait la montagne des Bibans, en Kabylie orientale. On sait grâce à l’historien latin Ammien Marcellin (330-400 apr. J.-C.) que Firmus était l’aîné d’une fratrie de sept enfants. En effet, Nubel avait sept enfants dont six garçons, Firmus, Dius, Mazucan, Mascezel, Gildon et Sammac et une seule fille, Cyria.

La “zone d’influence” de Nubel et de sa famille.

Le royaume de Nubel dans la Maurétanie césarienne, désignée par les historiens comme l’Algérie centrale et occidentale actuelle, s’étendait de la Kabylie à l’Ouarsenis en passant par l’Algérois, Cherchell et Tiaret. La puissance de cette famille, méconnue de l’histoire, résidait en un patrimoine considérable réuni par leurs ancêtres et par eux-mêmes mais aussi sur un réseau d’alliances tribales qui joua un grand rôle dans l’aventure de Firmus.

Les causes de la révolte 

Selon l’historien Ammien Marcellin, qui est notre principale source d’information à ce sujet, la responsabilité des événements, qui ensanglantèrent pendant plusieurs années la Maurétanie Césarienne revient à Romanus, Comte et gouverneur de l’Afrique romaine. Après la mort de Nubel, en 372, la loi de l’hérédité n’a pas été respectée. C’est au favori du comte Romanus, le frère de Firmus, Sammac, que l’héritage a été confié. N’ayant pas pu raisonner Sammac et poussait à bout par les manigances de Romanus, Firmus commit un fratricide.

N’ayant pas pu prévaloir auprès des sénateurs de Rome les arguments qui l’ont poussé au meurtre de son frère, et sachant ce qui l’attendait, il décide finalement de déclarer la guerre aux Romains, Firmus finit par lever l’étendard de la révolte contre Rome.

La révolte

En 372, Firmus se révolta contre le Comte d’Afrique, Romanus, qui commandait toute l’Afrique romaine. Ce soulèvement a embrasé pendant plusieurs années toute la Mauritanie Césarienne.
Fidèles à leur politique, les romains ont d’abord confié la répression à son frère Gildon qui commandait alors les troupes auxiliaires romaines et refusait de rejoindre la rébellion (mais qui se rebellera à son tour, plus tard).

Deux autres frères de Firmus qui, eux, avaient pris part à la révolte, furent tués et leurs fortifications rasées. Sa sœur Cyria, distribua des sommes d’argent considérable parmi les populations pour les gagner à la cause de son frère.

Ammien Marcellin rapporte que Firmus avait réussi à enrôler de nombreuses tribus tels que les Jubalenses et les Isaflenses (Djurdjura), les Tydenses et les Massinissenses (Vallée de la Soummam), les Jesalenses (Titteri), les Mazices (Zaccar et Ouarsenis), les Muçones (Bibans), les Caprarienses (Hodna). L’insurrection, d’abord limitée à la Kabylie occidentale prit de l’ampleur et
s’étendit à d’autres régions. Firmus enleva deux grandes villes : Césarée (Cherchell) et Icosium (Alger). Il réussit à occuper presque tout le littoral.

Falvius Théodose

Valentinien Ier, empereur de Rome dut envoyer son meilleur général pour combattre Firmus, Flavius Théodose (père d’un futur empereur), avec une grande armée. Le général romain débarqua avec ses troupes dans la région d’Igilgili (Djidjel) et établit son quartier-général près de Sétif.
Une guerre infernale s’est enclenchée afin de défaire ce prince rebelle car la capture ou la mort de Firmus était une question d’honneur, pour Théodose, et de survie pour le pouvoir de Rome en Afrique du Nord.

Ammien Marcellin, témoigne de l’ardeur des combats et la bravoure de Firmus et de son armée : « Ses soldats s’épouvantèrent devant ces Parthes de l’Afrique, ces Numides insaisissables, qu’ils dispersaient sans les vaincre, qui ne leur laissaient pas un moment de répit et qui, comme les insectes importuns de ces contrées, quand ils les avaient chassés loin d’eux, quand ils les croyaient en déroute, se trouvaient en un clin d’œil sur leur front, sur leur dos, sur les flancs».
Jouant, comme à leur habitude, sur les rivalités tribales, par promesses, par menaces ou par argent, les Romains parviennent, après cinq ans de combats acharnés, à diviser les partisans de Firmus et à dresser contre lui son plus fidèle allié, le roi des Isaflenses, Igmazen.

Informé de la trahison, Firmus préféra se pendre, en 375, aux souffrances et au déshonneur de la captivité. Igmazen livra en personne son cadavre attaché à un chameau à Théodose qui fêta son triomphe à Sétif avant de se rendre à Carthage en 376 où il fut accusé de conspiration et décapité sur ordre de l’empereur Gratien, mais ceci est une autre histoire.

Firmus mis à rude épreuve la réputation de Théodose, qui durant trois* années de combats subit de cuisante défaite et dû se replier à maintes reprises. Ces défaites s’expliquent par l’adhésion massive de la population locale à la cause de Firmus, les contraintes rencontrées dans le paiement de la solde de ces troupes et dans leur ravitaillement, les difficultés d’accès aux zones montagneuses ainsi que le manque de motivation des soldats maures incorporés dans l’armée romaine qui après chaque bataille désertée en dépit des supplices qui ont attendu ceux qui ont eu le malheur d’être capturés.
Le mouvement dont Firmus prit la tête fut d’une grande ampleur et annonce, avec une étonnante similitude de circonstances et de lieux la grande révolte de 1871 animée par El Mokrani.

Rym Maiz

*la révolte de Firmus a en fait éclaté deux années avant l’envoi du général romain Théodose en 372


Sources :
GSELL S., “Observations géographiques sur la révolte de Firmus”, Cinquantenaire de
la Société archéol. de Constantine,1903, p. 21-45
G. Camps, « Firmus », Encyclopédie berbère,
CAGNAT R., L’Armée romaine d’Afrique, Paris 1892
« ils ont défié l’empire » de Ouarda Himeur-Ensighaoui.

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