Il portait fièrement, depuis sa création le 31 juillet 1921, les couleurs annonciatrices du drapeau du PPA et de la résistance, le vert et le blanc mêlés au rouge. Le Conseil d’administration de ce club était présidé par un conseiller municipal d’Alger, Mohamed Tiar, gros propriétaire et gros commerçant de figues. C’est à cette période que furent créés le Vélo Sport Musulman (VSM) et l’USMA partageant l’étroit espace vital de la Casbah avec l’Avant-Garde Vie au Grand Air (AGVGA) et les Dragons Gymnastes Algérois (DGA) installés depuis peu, et qu’un indigène, le Blidéen Abdelkader Abbès, fut sélectionné au premier Tour de France cycliste.
Ce nouveau jeu collectif avait été introduit en France dans les bagages du professeur Ridéout, de retour des Etats-Unis d’Amérique, en 1893. Il fit son apparition à Alger au lendemain de la Première Guerre mondiale, dans les quartiers français habités par les élites citadines où s’étaient portés les commerces de luxe, les grands garages et les nombreux bureaux – Plateau Saulière, rue Michelet et rue d’Isly qui constituèrent pour ainsi dire la «Cité du basket» avec des stades bien aménagés tels que les stades Paulinier et Aber. Il devint l’apanage des riches clubs européens qui se distinguaient particulièrement en gymnastique et en athlétisme : Conscrits Gymniques (CG), Gallia Sports (GSA), Association Sportive de Montpensier (ASM), African Club d’Alger (ACA), Red Star, WS Marine d’Alger.
A la Casbah, étalée sur 20 hectares, déjà surpeuplée par l’arrivée, vers 1903, des populations venues particulièrement de Kabylie, les premiers militants de l’Etoile nord-africaine à Alger, Mahmoud Abdoun, Mohamed Taleb, Hocine Asselah, des hommes affables, à la grande capacité d’écoute, préoccupés par la formation et l’encadrement des jeunes menacés par des fléaux sociaux (alcoolisme, drogue), se rencontraient, dans la Basse Casbah, au cercle du Mouloudia, 4 rue Mac-Mahon, un lieu de convivialité et d’échanges, pour discuter de ce problème avec des amis comme Omar Hamza et Ali Zaid, président-fondateur de l’USMA.
La Casbah, lieu de résistance, à forte concentration identitaire, soumise à la haute surveillance des troupes sénégalaises, était le centre de gravité politique. Au mois de juin 1937, Messali, rentré de France, installa le PPA à la rue de Thèbes, au local où se réunissaient les militants de l’Association des Amis d’El Oumma, héritière de l’Etoile nord-africaine dissoute par le gouvernement Léon Blum. C’est dans cette Vieille Ville, à la forte densité humaine, que se croisaient revendications sociales et aspiration à l’indépendance. Le Parti avait encore une base ouvrière. A la tête de la direction d’Alger, Ahmed Mezerna, traminot, était le spécialiste des questions ouvrières portées à l’ordre du jour après les grèves de l’été 1936 qui avaient vu les Algériens adhérer à la CGT. Il fut le premier animateur du syndicat des traminots avec Mohamed Douar et Amara Ferchioukh. Les militants se réunissaient ensuite place Duquesne, au nouveau local. Il y avait là Mohamed Guenanèche, Arezki Kahal, Ibrahim Gharafa, Khelifa Ben Amar, Hocine Lahouel, Mohamed Belamine, Rabah Moussaoui, Rachid Ouamara, Mohamed Khider, Mahmoud Abdoun, Mohamed Taleb, Mohamed Boursas, Mustapha Dechouk, Mohamed Douar, Moufdi Zakaria, Mohamed Lassaker, Abdelkader Harga, Hadj Smaïn, Omar Hamza, Henni, Messaoudi, Mohamed Mestoul, Ouergli. On discutait bien sûr du problème de l’éducation de la jeunesse. Le sport était, à leurs yeux, un moyen de la sauvegarder des fléaux sociaux qui la menaçaient et aussi un moyen de garder une influence sur elle.
Les jeux collectifs sportifs avaient fait leur apparition à la Casbah avec la création, le 14 juillet 1895, de l’Avant-Garde d’Alger (AGA). Cette société de gymnastique, initiée par le Gouvernement Général et l’Etat-major du 19e Corps d’Armée d’Alger, avait pour objet «la préparation militaire pour les futurs conscrits musulmans». Les postes clés du Conseil d’administration étaient tenus par de hauts fonctionnaires. La direction technique avait été confiée à un ancien de l’armée française et champion de gymnastique, Omar Benmahmoud.
L’AGA étendit vite ses activités au football et au cross-country.
Avant de faire son entrée dans l’espace public par la porte du Mouloudia que lui a ouverte Mahmoud Abdoun, le basket-ball était pratiqué à l’école principale des indigènes de la rue Montpensier, qui portera le nom de son directeur, Jean Sarrouy. Ainsi, la première équipe musulmane fut constituée à l’initiative des élèves de cette école, au mois de mars 1930, pour participer au premier championnat scolaire.
C’est de cette école, tenue à l’écart de l’agglomération européenne, séparée de la ville française par une sorte de «mur», qu’est sortie l’ossature des équipes du Mouloudia, en I937, et de l’USMA, en 1941, portées respectivement par Mahmoud Abdoun et Mohamed Taleb, cadres actifs et écoutés du PPA naissant.
Au commencement était l’école
Au stade de notre recherche, nous ne disposons pas de document qui nous indique l’origine de l’implantation du basket-ball en Algérie. Toutefois, nous pouvons émettre l’hypothèse que ce jeu collectif, qui a traversé la mer Méditerranée, importé par les professeurs français d’éducation physique, s’origine au Lycée d’Alger au vu de l’importante infrastructure sportive dont s’était dotée cette institution dès sa création. C’est là que furent fixés les premiers panneaux de basket-ball.
Bâti au flanc de la Casbah, sur les lieux d’édifices religieux de la Régence turque, face à Bab El Dzira, ce lycée, dont la construction a duré sept ans, ouvrit ses portes au mois d’octobre 1868.
D’une structure imposante (plusieurs classes, trois longues cours et deux cours plus petites), il accueillit les enfants des officiers de l’armée et des fonctionnaires installés dans le vaste département d’Alger pour une longue durée. Il reçut également des enfants des familles des «grandes tentes» (les bachaghas et les auxiliaires des autorités coloniales recrutés parmi les Maures aisés et ralliés à la France). L’enseignement dispensé allait des classes enfantines aux classes préparatoires aux grandes écoles. Le sport caractérisait une forme de passe-temps pour les enfants de la bourgeoisie coloniale et de l’aristocratie féodale qui fréquentaient ce lycée.
Ce lycée fut à l’origine de l’organisation de la première manifestation sportive scolaire de masse – le lendit – ouverte à Alger au mois de mars 1899 sur le vaste terrain militaire du Champ de Manœuvres. Les élèves des lycées et collèges du département d’Alger participèrent aux six concours inscrits au programme : cyclisme, course à pied, saut, boxe, escrime, lancement du disque. Ces grandes «kermesses» sportives revinrent au mois de mars de chaque année de ce début du XXe siècle. La première association sportive scolaire, l’Union sportive du Lycée d’Alger, vit le jour en 1901, dans ce contexte de «massification» du sport.
Mohamed Rebah
Image : Photo de la composition du Mouloudia en 1921
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