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Histoire d'Algérie Période ottomane (1515 à 1830)

Euldjia Bent Bouaziz : la belle et rebelle héroïne Hanencha

ELLES ONT LUTTÉ DE TOUTES LEURS FORCES CONTRE LES ENVAHISSEURS ETRANGERS; ELLES ONT CHANGÉ LE COURS DES BATAILLES , QUELQUE FOIS D’UNE GUERRE.

Pourtant, à l’instar de Lalla Chemsi , Lalla Robba, Cyria (soeur de Firmus) et dans une moindre mesure, Lalla Fatma N’Soumer, quoique présentes dans l’histoire, elles ne sont pas reconnues par l’ Histoire.

La Grande Histoire.

Parmi ces héroïnes invisibles ou oubliées*, durant la période Ottomane, il y eut Oum Hani, épouse du chef d’une tribu du désert et celle qui retient aujourd’hui notre attention, Euldjia bent Bouaziz Ben Naceur, la belle héroïne des Hanencha. Son histoire remonte à la période Ottomane, plus précisément au XVIIIè siècle. Les Hanencha (région de Souk Ahras, dont le territoire déborde sur l’actuelle Tunisie) étaient puissants et craints, car capables de lever plusieurs milliers de cavaliers. Comme de nombreuses tribus rétives aux excès ottomans, les Hanencha ont refusé d’être une accommodante tribu Makhzen* *(feudataires) et encore moins de subir le joug imposé aux tribus Rayas**.

Durant des décennies, les Hanencha ont mené la vie dure aux beys de Constantine en refusant de payer l’arbitraire « denouche »(impots) et en résistant au Bey de Tunis qui avait des visées sur leur territoire. Mais lorsque en 1724, le bey de Constantine, Hossein, dit Bou Kemia (l’homme au poignard) à l’impétueuse vitalité, en dépit de ses 75 ans et le bey de Tunis, alliés pour la circonstance, décidèrent de les attaquer à l’improviste, les Hanencha, déroutés par cette stratégie, pourtant coutumière des ottomans, furent facilement écrasés par cette coalition. De valeureux hommes perdirent la vie, et des milliers de dromadaires, des bœufs et des tentes, tombèrent aux mains des ottomans.

Si le cheikh Bouaziz Ben Naceur, Sultan des Hanencha (un titre dévolu au cheikh de tribu de la part des membres de sa tribu), réussit à échapper aux assaillants, cette cuisante défaite eut des répercussions désastreuses sur le moral des Hanencha, qui décidèrent de se soumettre aux ottomans, à son grand dépit. Mais, c’était sans compter sans l’intervention d’une femme, en l’occurrence sa fille prénommée Euldjia, décidée à sauver l’honneur flétri de la tribu.. Révoltée par cette capitulation avilissante à ses yeux, Euldjia réputée pour sa beauté, mais aussi, son caractère bien trempé, a décidé de réagir.

S’étant affublée de ses plus beaux atours et fièrement dressée sur son destrier, sa langue acérée devenant une épée de feu , elle harangua les femmes de la tribu, montées elles aussi à cheval, avec ces mots:« Puisque ces hommes n’ont pas le courage d’aller contre les turcs qui viendront bientôt nous violer à leur yeux, allons nous-même vendre chèrement notre vie et notre honneur et ne restons pas avec ces lâches » Puis, découvrant sa gorge et la montrant aux hommes ayant perdu leur bravoure, elle leur cria: «Enfants de Naceur ! Qui voudra sucer de ce lait n’à qu’à me suivre !»

Les hommes sermonnés, jusque là penauds, piqués au vif et encouragés par la bravoure de cette jeune fille, donnèrent sur les turcs avec tant de violence qu’ils défirent le camp, remportèrent une partie du butin qui leur avait été enlevé, firent prisonnier le khalife et dépouillèrent tous les turcs et leurs tribus feudataires.

Ce haut fait d’armes qui mériterait de s’inscrire dans les grandes pages de notre Histoire, a donné lieu à une poésie en l’honneur de Euldjia bent Bouaziz ben Naceur, la belle et rebelle héroïne des Hanencha, dont voici un court extrait (– traduit par Féraud, interprète de l’armée française) :

« (…) Gloire à toi, Euldjia, ô fille de noble race !

Tu sauvas la patrie, tes frères et tes parents

.Et ce jour de défaite devint un jour de gloire !

Sois bénie, Euldjia !

« Allah ikafiki ! ».

Farid GHILI.

Notes:

*L’exception étant Dihya dite la Kahina .

** voir notre article :les ottomans étaient-ils réellement maitres de (toute) l’Algérie?

Sources: Peysonnel et Desfontaines: Voyages dans les régences de Tunis et Alger (rapportés par Eugène Waysettes)

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