El Keblouti, le chef de l’insurrection des Spahis 

Nombre d’observateurs s’accordent sur le fait que 1871 est l’année des insurrections dans toute l’Algérie. La mémoire collective retient celle du Cheikh Mohamed El Mokrani, mais c’est aussi celle de Mohamed El Keblouti de la tribu des H’nancha dans la région de Souk Ahras, dès le mois de janvier.  

 

Acclamé par les premiers insurgés, Mohamed El Keblouti Ben Tahar se retrouve à la tête d’un mouvement armé à Souk Ahras. Une composante de Spahis, de membres des tribus H’nancha, Ouled Aïdas, N’bails, Deiras, Ouled Khiar. 

Les Spahis, ces cavaliers armés qui, constituant avec leurs smalas des villages agricoles sous la tutelle française, allaient se révolter. Pourquoi ? Le motif principal réside dans leur refus catégorique d’obéir à l’ordre du ministère français de la guerre (le 18 janvier 1871), donné au général Lallemand de les embarquer pour la France pour participer à la guerre contre la Prusse de Bismarck. Déjà, mécontents de leur condition sociale, les Spahis, stationnés dans les localités de Aïn Guettar, Medjebeur, Bou-Hadjar, Tarf se mettent en action. Ils vivent cet ordre comme une déportation, une soumission totale à l’autorité. Une désertion est enregistrée et les premiers contacts sont établis avec Ahmed Salah et El Fodhil Ben Rezgui – représentants d’une famille des plus influentes dans la région – et d’autres, à Enchir Moussa. 

 

L’attraction des H’nancha 

Un parent de ces derniers, Mohamed El Keblouti les rejoint et la proclamation du soulèvement prend forme. Comme le rapporte Louis Rinn, leur état esprit est ainsi : « La France est vaincue, épuisée, n’a plus d’armée, plus de gouvernement, plus de territoire, Paris est pris par les Prussiens, Mahieddine s’avance par Nefta et Négrine ; de tous les côtés on va s’insurger en Algérie ; l’occasion est unique pour se débarrasser des Français. Il n’y a que des chiens, fils de chiens, qui peuvent hésiter ». Ils ne tardent pas à agir, dès le 24 janvier. Deux jours après, Souk Ahras est attaquée du côté ouest. 2000 Spahis et alliés s’y sont battus, une heure et demie durant, avant de s’en éloigner. D’autres faits sont relevés et le 30 du même mois, El Keblouti, les Rezgui et leurs troupes se mettent au combat à Aïn Sennour pendant une heure et demie. Ils se replient et vont se réfugier dans les zaouias, en Tunisie près des frontières.

Dans le pays, le fait de savoir seulement que cette prise d’armes est conduite par les H’nancha, l’une des tribus des plus anciennes en Algérie et des plus importantes, la rend très crédible. El Keblouti continuera à assaillir l’occupant. Il a également participé à des batailles, notamment celles des 24 et 30 juin 1871 de la résistance d’El Mokrani et du Cheikh El Haddad. Il entretient aussi le contact permanent avec le chef Naceur Ben Chohra, le chef de résistance de Laghouat. Il finira par être arrêté en Tunisie, en 1875, où il active dans la clandestinité. Il est emprisonné à la Goulette. Malade, il sera hospitalisé en avril 1883 à l’hôpital Sadki de Tunis. Il décèdera en avril 1884.  

 

Mohamed Redouane  

Sources  

  1. La Tariqa Rahmaniya – De l’avènement à l’insurrection de 1871 de Mohammed Brahim Salhi (HCA, 2008).  
  2. Histoire de l’insurrection de 1871 en Algérie par Louis Rinn (Alger, Ed. Adolphe Jourdan 1891). 
  3. Image: Mohamed El Keblouti El Hanechi : https://cijsa.blogspot.com

 

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