Dossier du mois : Les maisons traditionnelles de la petite Kabylie – Partie I – Théâtre d’une vie passée

Elles sont accrochées à un  massif abrupt  où seules les chèvres devraient pouvoir se frayer un chemin. Les maisons kabyles de Beni Ourtilane défient les lois de l’apesanteur ; Elles sont construites à flanc de coteau le plus haut possible.

Ali Benarab, professeur à la retraite à Ain Legradj, commune de la petite Kabylie, explique : « la maison kabyle doit répondre à quatre critères, elles doivent être éloignées de la route, en hauteur sur un piton de montagne…. Les raisons sont principalement sécuritaires. Le kabyle doit voir avant d’être vu, de manière   à surveiller les horizons pour d’éventuelles attaques. On évite toujours de construire le village sur des terres agricoles. Le site doit être tout prêt de l’approvisionnement en eau potable ». Cette occupation du territoire a toujours cours. Même si les maisons ne sont plus de pierre et d’argile. Même si les habitations sont plus grandes. Même si les ouvertures sur l’extérieur sont encore plus nombreuses, le kabyle a gardé dans une sorte de mémoire collective les marqueurs territoriaux ajustés par les ancêtres.

 

Il est un village dans la région de Beni Ourtilane qui se distingue. Les kabyles le citent en exemple aux touristes.  « Il s’agit d’un site merveilleux, incontournable. La preuve vivante et encore debout du village kabyle traditionnel ». El Koléaa, dont l’orthographe change d’une source  à l’autre et qu’aucun panneau n’annonce, est atypique. Aucun autre village moderne kabyle ne lui ressemble. Mais il est le type même du village berbère. On lui trouve des ressemblances avec les balcons de Roufi. A la différence  que l’environnement montagneux et verdoyant   injure la roche stérile du canyon de Biskra. Les balcons de Roufi, entre steppe et désert  ne doivent de verdure qu’à la lutte de l’homme sur la pierre et la sécheresse. Les deux sites sont comme deux faces différente d’une même pièces. D’abord elles sont toutes deux  à flanc de montagne. Escarpées. Toutes en terre et en argile. Presque toujours un oued en contrebas bordé de jardins d’agrumes. Seule particularité  à El Koleaa : les maisons sont debout, entières presque vivantes. Pourtant la plupart des populations kabyles se sont déplacées. Très souvent durant la colonisation. Aujourd’hui les maisons kabyles ne sont plus  en pierre. Le béton et le parpaing est la nouvelle dénomination commune de ces villages. Le confort et la chaleur ont pris le dessus sur l’esthétique. Il ne reste que quelques sites de maisons de pierre inoccupées.

 A el Koléaa, les tuiles des maisons sont toutes en places. Aucune bâtisse n’est effondrée. La plupart sont plutôt grandes avec une cour à l’intérieur. On peut les observer aisément car le village est en contrefort de la route montagneuse. Autre particularité : la mosquée. Elle dispose de deux minarets, sur un ponton au-dessus des maisons ; Imposante, moderne : en parpaing ou en brique qu’une épaisse couche de peinture trahit.  La mosquée  jure quelque peu avec le lieu. D’abord parce que les mosquées de ces villages n’ont pas en général  de minarets et ont des corridors et des couloirs qui donnent sur l’extérieur. Ensuite parce que les anciens villages kabyles ont de commun les justes proportions entre les habitations et l’environnement montagneux .A el Koleaa, Les maisons sont entières, les cours débarrassées  des mauvaises herbes et pourtant la vie ne semble pas occuper ces maisons.

 

Les rues étroites et pavées acheminent en pente raide. Les chemins mènent tous vers la grande mosquée. Qui n’est en fait que le site d’une grande Zaouia alaouite. Des familles déambulent les rues étroites et pavées empêchant les véhicules de s’y rendre. Le village d’el Koléaa a en fait été restauré par le ministère de la culture, selon Ali Benarab. La plupart de ses habitants ont migré vers Bordj Bou Arreridj, Alger ou l’étranger. Reviennent –ils dans leur maison d’el koléaa  le temps d’un week-end ? Ce qui expliquerait l’entretien des cours intérieures. Le soir, de retour à l’auberge de Ain Legradj, grande discussion autour du feu de la cheminée avec le vieil Ali Benarab et Hafid Haddar, ancien maire de Ain Legradj et directeur de l’auberge Delaga. Comment préserver ces villages ? L’Etat peut-il entretenir des sites sans vies ? Avec quel argent ? Comment mobiliser les kabyles de ces villages pour développer une économie et permettre à ces maisons de survivre au temps ? L’Etat doit- il exproprier  au nom du patrimoine culturel ?! N’est-il pas plus sage d’accepter de voir ces villages mourir, les pierres et l’argile des maisons retournant à la nature, de là même où elles ont été prélevées?…

(à suivre…)

Article et photographies de Zineb Amina Maiche

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J en veux encore !!! de mon cote je vous place dans mes preferences, a tres bientot.

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