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HistoireLa colonisation française (1830 à 1962)

Dely Ibrahim, le premier village colonial

delyDans le journal d’Alger daté du 21 décembre 1961, Charles Nupin écrit que Dely- Ibrahim existait, en 1830, sur l’emplacement de l’actuel village haouch (ferme). Il ajoute qu’Ibrahim était célèbre au XVIIIe siècle. Il serait né à Izmir (Turquie), et aurait vécu à Alger sous le règne du Pacha Mohamed Baktach, redoutable commandant des Yoldaches, troupes d’infanterie turques. Sa violence et son impulsivité lui ont valu le surnom de Dely, le « fou ».

C’est de ce personnage immortalisé dans l’histoire que la commune de Dely-Ibrahim tire son nom. Nupin poursuit : « Voulant la dignité du Pachalik, Ibrahim conspue avec quelques officiers et fait assassiner le Pacha Mohamed Baktach, le 27 mars 1750 ».
Il fait remarquer, au passage, que la pression des Yoldaches en révolte oblige le Divan (Diwan) à le proclamer Pacha. Pas pour longtemps, puisque quatre mois après son intronisation, le Divan, la population et même l’armée veulent s’en débarrasser.
« Au mois d’août de la même année, une nouvelle révolution au palais éclate et Ibrahim Pacha suit dans la tombe son prédécesseur et sa victime à la fois ».

Situé à 250 mètres au-dessus du niveau de mer, Dely-Ibrahim est relevé par le commandant du génie Vincent Yves Boutin à qui Napoléon a demandé de faire, en 1808, des observations autour d’Alger.
« Sous les apparences d’un paisible pêcheur, le commandant Boutin a sondé les fonds marins, pour conclure que le meilleur endroit pour un débarquement militaire se trouve à Sidi-Fredj », indique Jean-Pierre Busso.

Le minaret avec table d’orientation dressé sur les hauteurs de Dely-Ibrahim est dédié à sa mémoire. C’est le monument Boutin qui symbolise le centenaire de la colonisation. La situation stratégique du lieu, sur la route de Sidi-Fredj, lui vaut, en effet, d’être le théâtre de rudes batailles entre les troupes françaises et les soldats du Dey Hussein, notamment dans les « cinq derniers jours du mois de juin 1830 », où le Duc des Cars a essuyé de lourdes pertes dans ses rangs.
« Le Bois des Cars que nous connaissons, d’ailleurs, aujourd’hui n’est pas seulement une plantation utilitaire, mais davantage une œuvre commémorative, à la mémoire des soldats français », souligne Jean-Pierre. « On y érige, en 1912, un monument surmonté du buste du lieutenant-général Duc des Cars. Le Bois des Cars est peuplé de pins d’alep, de cèdres et cyprès », poursuit-il.
Ceci dit, Dely-Ibrahim est sans conteste le premier village colonial fondé, après la prise d’Alger, prés du camp retranché établi sur l’emplacement de la ferme Ibrahim, le 26 septembre 1831. L’ordonnance royale signée le 21 septembre 1832 constitue son acte de naissance.

Le pouvoir local est bicéphale : civil et militaire. Le Duc de Rovigo et le baron Pichon se le partagent. Son périmètre va de Sidi-Fredj à l’Oued Béni Messous, prés de Guyotville (Ain Benian) et « Air de France » (Bouzaréah) à l’oued Kerma.
Dans ce quadrilatère, naissent peu à peu El-Achour, Draria, Saoula, Ouled Fayet, Staouéli et Cheraga. Jean-Pierre Busso qui peint une image saisissante sur le village, raconte que Dely- Ibrahim avec ses maisons étagées à flanc de coteaux, s’alignent l’unique boulangerie du pays (Sampère), l’auberge du Bon Canard (Aubis) réputé pour une certaine gastronomie, le monument au mort, le café de France (Picot), la mairie et l’épicerie Hugou.

Dans la partie supérieure, la poste et ses dépendances occupent une position dominante : « La brise y apporte l’odeur balsamique des pins des Bois des Cars. Et de tout coté, la vue s’étend au loin. Partout tout autour des petits villages, piquent de blanc et rouge les innombrables collines qui, vers l’ouest, s’abaissent doucement jusqu’à la mer et à l’horizon, le Chenoua profile sa majestueuse silhouette ».
La terre qui, au départ est inhospitalière aux premiers arrivants (les bavarois et wurtembergeois), continue à nourrir, cependant, la plupart de ses habitants et même les populations lointaines car aux portes de la ville moderne, continue à se produire annuellement tout un mouvement de saisonniers agricoles.

Au moment des gros travaux, souligne Jean-Pierre, on fait revenir dans les fermes des ouvriers agricoles qui repartiront ensuite. Ils viennent toujours des mêmes villages et des mêmes familles. Traditionnellement, c’est la région de Dellys et de Bougie qui fournit cet appoint. A ce propos, un habitant de la cité nous révèle que les premiers habitants de Dely-Ibrahim sont des Bougiotes.
Zone agricole par la richesse de ses terres donc, Dely-Ibrahim devient, aujourd’hui, un quartier privilégié pour l’urbanisation outrancière. Par ailleurs, l’habitat se présente sous deux formes : les lotissements essentiellement composés d’habitations individuelles et le reste de maisons de type colonial. Les grands ensembles sont construits avant l’indépendance en réponse à des préoccupations politiques et sociales.
B.Babaci

Écrivain chercheur en histoire 

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