Chez les peuples antiques, il est considéré que tout ce qui dans la nature se présente sous une forme assez étrange (grandeur, forme suggestive…), relève du sacré; pouvant ainsi devenir de façon directe ou indirecte, objet de culte.
Les peuples d’Afrique furent, comme beaucoup d’autres avant et après eux, très sensibles à l’aspect impressionnant de certaines montagnes, grottes, cavernes, ou rochers. Ces espaces quelques peu à part, séparés du reste du monde, sont spontanément vus comme des territoires relevant du sacré, et donc forcément détachés du milieu dans lequel se déploient les activités profanes de la vie humaine.
Le plus souvent, dans la « religion » des Libyens (peuple habitant l’Afrique du nord avant l’arrivée des phéniciens), le caractère sacré d’un lieu ,est rattaché dans l’esprit des fidèles, à la présence tutélaire ou malfaisante d’un esprit ou d’un génie. Ainsi, la montagne dont la hauteur rapproche du ciel, est vue comme étant source de sacré et même parfois identifié à lui; elle devint alors objet et lieu de culte en même temps.
Certains historiens antiques évoquent les croyances mystiques rattachées à ces lieux; à titre d’exemple, l’Atlas est attesté comme « montagne sacrée » par Pline l’ancien, qui parle de la « crainte du sacrée » s’emparant du cœur de ceux qui s’en approchent. Car le soir venu, le lieu deviendrait la scène de mystérieuses manifestations. Pour Maxime de Tyr, l’Atlas fait office d’un double fonction; il est à la fois lieu de culte (temple), et objet de culte (Dieu).
Le caractère sacré des grottes en Afrique est particulièrement ancien, il remonterait jusqu’à la préhistoire. Cela s’explique par sa forme et sa double appartenance : l’une souterraine et sombre (lieu de vie des génies), et l’autre visible et accessible (monde des humains). Elles apparaissent ainsi comme des voies de pénétration vers le monde supraterrestre.
L’importance religieuse de certaines grottes s’est maintenue à travers l’époque romaine; à l’image du culte de Bacax, divinité de la grotte de Djebel Taya (Guelma, Algérie). On sait que le culte de Bacax fut célébré par des cérémonies et des sacrifices, qui avaient lieu entre les mois de mars et mai de chaque année, grâce à des inscriptions, retrouvées sur les parois de la grotte, et datées du III e siècle de notre ère. On peut également citer Ifru, dont l’image avec une tête radiée apparaît au fond d’un abris sous roche au sud de Constantine, et dont le nom s’apparente à la racine berbère FR (se cacher); que l’on retrouve également de le nom berbère de la grotte (ifri). Ifru fut probablement considéré comme le roi des génies, habitant dans la caverne.
Le culte de la caverne et de la montagne demeura assez constant en Afrique du nord, et ce jusqu’à l’avènement de l’Islam. L’attachement à ces espaces naturels reste cependant important, et les références littéraires, musicales ou autres … sont nombreuses dans la culture berbère.
Mira B.G
Sources :
- M.Benabou « La résistance africaine à la romanisation »
- M. Akli Haddadiy « guide de la culture berbère »
- Paul-Albert Fevrier, « Religion et domination dans l’Afrique romaine », Dialogues d’histoire ancienne