Alors, comment expliquer la dégradation des rapports franco-algériens ?
D’abord par la mise en perspective des liens qui unissent les financiers du dey d’Alger, les Bacri-Busnach, au consul de France, Deval, celui qui reçut le fameux coup d’éventail.
La famille algéroise Bacri-Busnach, avec la garantie du dey, avait livré à la France du Directoire d’importantes quantités de blé.
La plus gosse transaction que connut la régence s’ébaucha à Oran. En 1796 (ou 1793 d’après d’autres sources), les négociants juifs Bacri et Busnach firent sortir de Mers-el-Kébir plus de 100 navires chargés de blé algérien pour la France de Robespierre. Ces envois massifs de blé seront suivis par d’autres livraisons effectuées en 1797. Mais les souverains français qui se succédèrent, Napoléon Ier, Louis XVIII, Charles X, ne voulurent jamais honorer cette dette à l’égard d’Alger. Ainsi cette dette traînait depuis 1796, soit 31 ans !
Cette supercherie ne devait pas rester plus longtemps ignorée du souverain algérien. S’il peut admettre à la rigueur la déloyauté d’un négociant qui n’en était pas là à sa première escroquerie, il ne put supporter la tromperie de Deval. A ses yeux, il était inconcevable qu’un agent diplomatique, représentant d’une grande puissance, puisse tremper dans une basse combinaison financière. Et chose plus grave encore, le dey avait appris que, contrairement aux conditions que la France s’était engagée à respecter, les Français avaient fortifié un emplacement qui avait été mis à leur disposition pour faire du commerce sur le territoire algérien.
Les faux prétextes invoqués par la France pour envahir l’Algérie
Le consul français Pierre Deval, en fonctions à Alger de 1816 à 1828, avait mauvaise réputation. William Schaler, consul des U.S.A. en Algérie (1816-1824), qui le côtoya, le décrivait comme un homme de moralité douteuse, « un proxénète » qui s’était longtemps acoquiné avec le dey, profitant de ses cadeaux et de ses largesses avant d’entrer en conflit avec lui.
Le 30 avril 1827, Hussein Hodja, Dey d’Alger, se jugeant offensé par le consul de France et mécontent du retard apporté par la France au remboursement de créances auxquelles il était intéressé, demanda au consul français de se retirer. Et, d’après des témoins, comme celui-ci ne bougeait pas et semblait refuser de sortir, le dey le toucha du bout de son éventail pour lui indiquer la sortie. C’est ce qu’on a appelé le « coup d’éventail », et c’est pour ce geste que la France trouvera prétexte pour déclarer la guerre à l’Algérie.
Deval adressa le soir même son rapport à Paris ; il déclarait avoir été frappé sans provocation et demandait qu’on donnât à cette affaire « la suite sévère et tout l’éclat qu’elle méritait. »
En juin 1827, le gouvernement de Charles X, n’ayant pas obtenu d’excuses, ordonna le blocus d’Alger qui durera trois ans. Ce blocus s’étant révélé inefficace, sera suivi du débarquement des troupes françaises, commandées par le général de Bourmont, à Sidi Ferruch (à l’Ouest d’Alger), le 14 juin 1830.
C’est donc dans l’enthousiasme général que s’effectue le départ, le 16 mai 1830, de Toulon, d’une flotte de 567 navires.
Les troupes françaises, fortes de 37.612 hommes, 91 canons et 457 bâtiments navals, allaient donc « venger l’honneur » de la France. Elles s’emparèrent d’Alger, suite à la capitulation du Dey, le 5 juillet 1830. Ainsi commença la conquête d’un pays alors faiblement peuplé (3 à 5 millions d’habitants).
L’affaire du coup d’éventail du 30 avril 1827 a été popularisée par les livres d’histoire et les gravures de l’époque, et ainsi pendant des décennies, des générations d’écoliers ont appris et rabâché que ce coup d’éventail avait provoqué la prise d’Alger en 1830. Aujourd’hui encore, certains continuent à croire à cette image d’Epinal, comme quoi, il est parfois difficile de remettre en question ses vieilles certitudes.
Mais cette affaire ne fut qu’un prétexte, un mythe qui volera en éclats lorsque nous considérerons les causes plus lointaines et plus profondes qui entraînèrent cette invasion. Car l’expédition d’Alger, avait d’autres objectifs, comme l’a fait remarquer ironiquement le chancelier autrichien Metternich : « Ce n’est pas pour un coup d’éventail qu’on dépense 100 millions et qu’on expose 40.000 hommes. »
Article envoyé par Slimane Labrik
- source : Skikda-Stora : site et forum de Kamel Boussaboua
1 Comment
Les faux prétextes invoqués par la France pour envahir l’Algérie – dans le même sens de cet article je vous recommande de lire le livre HISTOIRE D’UN PARJURE de Michel HABART disponible en PDF sur le net.
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