Conte – Sbart, sbart, ma sbart ghir ana! – Suite et fin – La pierre de patience

Meurtrie, la jeune fille, quitta la maison et se mit à errer par es routes, abandonnée de tous. Elle marcha, marcha et marcha encore, torturée par les horribles images de crimes commis par le démon et dont  on l’accusait. Elle sortait d’une ville et entrait dans une autre, marchait le jour, se cachait la nuit jusqu’au jour où elle se retrouva dans une ville lointaine, au moment où le roi sortait de son immense palais pour aller à la mosquée prochaine. Quand le sultan vit la jeune fille toute craintive, il eut envie de lui parler :

-« Jeune fille, lui dit-il, pourquoi te caches-tu? Approche donc et explique moi! »

La jeune fille s’approcha. Elle s’aperçut que sapeur avait disparu devant ce roi réputé bon et généreux pour ses sujets.

-« Qui es-tu? Que cherches-tu ? lui demanda le roi sur un ton rassurant. »

Mais les questions du roi restèrent sans réponses. Aucun mot ne sortit de la bouche de la jeune fille qui pourtant continuant de regarder le roi comme pour le supplier. On finit par comprendre que la fille n’avait pas l’usage de la parole.

Le roi eut pitié de la vagabonde et décida de la protéger. Il ordonna qu’elle habitât en son palais et qu’on l’entourât de tous les soins. La jeune fille vécut ces instants comme une bénédiction de Dieu. Elle retrouva ses forces et toute sa beauté mais pas l’usage de la parole.

Un jour qu’on préparait les noces du prince héritier du trône, le roi demanda à tous ses serviteurs d’exprimer un désir. Chacun y alla de son imagination et demanda l’objet de ses désirs. Lorsque vint le tour de la jeune fille muette, le roi insista pour qu’elle lui exprimât par les gestes ce qu’elle désirait avoir, mais la malheureuse se contenta de le regarder.

Une fois seule, la jeune fille reçut la visite du monstre qui lui dit :

– » Ton calvaire est terminé ! Tes peines et souffrances s’arrêteront le jour où le roi t’offrira « hajret sabarni » (la pierre de patience). Va et demande-le lui car à partir de cette instant, tu n’es plus muette ! « 

La jeune fille s’aperçut, en effet, qu’elle parlait aisément et en remercia le monstre qui s’évanouit dans un nuage de fumée.

La jeune fille alla alors, voir le roi et lui fit part de son désir de posséder la pierre de patience. Mais le roi fut si horrifié qu’il exigea de la jeune fille de lui expliquer sur l’heure les raisons d’une telle demande.

-« Ce que tu demandes est du poison, lui dit-il, que veux-tu en faire ? Je veux le savoir ici et maintenant ! « 

– » Je le désir mais je ne peux l’expliquer, répondit la jeune fille. »

Le roi aurait voulu ne pas satisfaire cette demande mais comme il l’avait promis, il dut se résoudre à y répondre. Quant on alla chercher la chose, le marchand lui explique :

– » La personne qui a fait cette demande veut mettre fin à ses jours. C’est une personne qui a beaucoup souffert. Il vous suffit de la surveiller ! « 

La jeune fille reçut son cadeau et alla s’enfermer dans sa chambre. Elle s’allongea sur sa couche et se mit à raconter sa vie sans se rendre compte que le roi en personne l’écoutait. Au moment où elle allait boire le verre dans lequel avait trempé la pierre de patience, le roi l’en empêcha, en lui disant :

– » J’ai tout entendu et tout compris. Je sais maintenant qui tu es. Tu es la bienvenue. Avec ton consentement, je souhaiterais que tu sois la femme de mon fils, le prince ! »

-« Je le veux » répondit la jeune fille qui comprit enfin que le chemin parcouru, était difficile et douloureux mais l’avait conduite, pas à pas dans ce pays pour être princesse.

C’est ainsi que la jeune fille épousa le prince et eut de beaux enfants qui l’entourèrent de toute leur affection.

 

Source : Contes du terroir Algériens – Editions Dalimen

Illustration : Kamil Aslanger 

 

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