L’on raconte qu’aux temps anciens, était une jeune femme très belle. Elle était si belle qu’elle se mesurait au bel astre de la nuit.
Les soirs de pleine lune elle se fardait, se parfumait, peignait ses longs cheveux, revêtait les habits les plus riches, se parait de tous ses bijoux et sortait. Pour se rapprocher du ciel, elle allait sur une colline. Et là, le visage resplendissant, tourné vers la lune, elle demandait :
–«Qui de nous est la plus belle, O lune, qui de nous est la plus belle ?»
Et la lune lui répondait alors :
–«Je suis belle certes, mais tu l’es plus que moi !»
la scène se répétait chaque soir et la jeune femme recevait les mêmes louanges de la part de la lune qui lui confirmait, soir après soir, sa grande beauté.
Un soir, alors qu’elle interrogeait l’astre de la nuit, celui-ci lui répondit :
–«Toi et moi sommes beaux, mais la fille que tu portes en toi, nous dépassera en beauté.»
Cette révélation secoua la jeune femme. Elle fut prise aussitôt, d’une grande inquiétude qui se transforma en une terrible jalousie pour l’enfant qui était dans son sein. Des mois durant, selon le même rituel, elle allait consulter sa confidente, la lune, et lui demandait à chaque fois, avec insistance :
–«Qui de nous est la plus belle, O lune qui de nous est la plus belle ?»
La lune, répondait immuablement :
–«Toi et moi sommes belles, mais la fille que tu portes en toi nous dépassera en beauté.»
Au terme de sa grossesse la jeune femme mit au monde, une fille aussi belle que le soleil en plein ciel, aussi fraîche qu’une fleur de printemps, aussi douce que de la soie. La fillette grandissait et chaque jour, augmentait sa beauté. Les voisines qui la nommèrent Gamra dhaouaya disaient à sa mère :
–«Certes, belle tu l’es. Mais la beauté de ta fille éclipse la tienne.»
–«La beauté engendre la beauté avec quelque chose de plus !» lui confirma une autre.
–«Il faudra que tu oublies ta beauté devant celle de ta fille !» conseilla une troisième.
–«Quand on a une fille aussi belle, on doit remercier le ciel !» ajouta une quatrième.
–«On dit que l’enfant qui naît prend à la mère, mille doses de sa beauté !» rappela une cinquième.
–«Une beauté naît l’autre disparaît, c’est la loi de la nature ! il faut l’admettre !» professa une sixième.
La jeune mère, en entendant ces propos, sentait le poignard de la jalousie la transpercer. Elle se disait :
–«Lorsque cette enfant sera devenu adolescente, plus personne ne me regardera.»
L’enfant atteignit la dizaine d’année. Elle était pleine de vie et de grâce et attirait l’attention de tout le monde. Sa mère lui dit, un soir :
–«Demain, nous mettrons sur le métier, un habit pour ton père. Nous irons planter les montants en pleine campagne car il nous faut beaucoup d’espace pour tisser un habit de la taille de ton père.»
–«Je le veux bien», répondit la petite fille, heureuse de participer à l’ouvrage pour que son père ait un habit chaud pour l’hiver.
Au matin, la mère prix deux montants bien solides et une très grosse pelote de laine. Toutes deux partirent. Elles marchèrent longtemps et laissèrent loin derrière elles, le village. Lorsqu’elles atteignirent une clairière, elles s’arrêtèrent. La mère dit alors à l’enfant :
–«Je vais enfoncer les montants dans la terre. Toi, tu feras courir la laine d’un montant à l’autre. Te voici grande maintenant, tu pourras bien tenir la pelote ?»
La fillette, la grosse pelote de laine dans les bras, se mit aussitôt, à courir entre les piliers que sa mère planta aux extrémités de la clairière :
–«Plus vite ! Plus vite !» Disait la mère à l’enfant qui courait.
La pelote était lourde et la fille commençait à s’épuiser. Elle avait beaucoup de mal à tenir la bobine de laine et manquait à chaque pas, de tomber. Soudain, au moment où elle allait faire passer le fil autour du montant, la fillette trébucha. La pelote de laine lui échappa des mains et se mit à rouler à toute vitesse vers un précipice.
–«Cours et rattrape-la !» Cria la mère.
L’enfant s’élança derrière la bobine qui dévalait la pente dans une course folle. La mère coupa le fil et la pelote roula plus vite encore, entraînant la fillette vers le ravin. Puis, brusquement, la pelote disparut.
La fillette la chercha vainement dans les ronces et les buissons. Revenir en arrière sans la pelote ?… Comment retrouver son chemin ? Elle se mit à pleurer et à appeler mais ne reçut que l’écho de sa propre voix. Alors, elle décida de marcher droit devant elle. Elle marcha longtemps avant d’atteindre le flanc d’une colline. C’est alors qu’elle découvrit, à demi-masquée par une épaisse végétation l’entrée d’une caverne. Elle se fraya un passage et entra… A SUIVRE
Source: D’aprés le livre «Contes du terroir Algérien» Volume 1, Editions DALIMEN