Aussi grand que puisse être l’amour qu’on a pour son enfant, cet amour ne donne pas le droit d’en faire un captidf et de l’empêcher d’être heureux.
Il était une fois un sultan qui n’eut comme enfant qu’une fille. Il se mit à aimer cette fille d’un amour possessif qui lui dictait des actes hors du commun. Dés sa naissance, la petite princesse fut confiée à une nourrice. Pour la préserver de tout danger, le sultan décida d’extraire l’enfant, de tout contact avec le monde extérieur. Il fit construire une kouba (1) pour qu’elle y grandisse en toute sécurité, sous la vigilance de sa nounou. Seule la lumière du jour pouvait traverser le verre épais et opaque de la demeure. La princesse ne pouvait être vue de l’extérieur et ne pouvait rien percevoir de ce qui se faisait au delà des limites de sa tour.
La dada lui était entièrement dévouée. Elle inventait mille choses pour rendre heureux, les jours de la princesse. Elle l’habillait, la nourrissait, la berçait, l’amusait aussi. Elle reçut l’ordre du roi de ne laissait à la portée de la princesse aucun objet qui pouvait lui faire du mal. Craignant que la princesse ne se blesse, la dada allait jusqu’à désosser la viande qu’elle lui servait.
La princesse grandissait dans sa coquille de verre, entourée des soins et de la tendresse de la nourrice. Elle embellissait un peu chaque jour et devenait peu à peu une charmante jeune fille. Sa grâce inspirait la servante qui inventait des chansons pour rendre hommage au seigneur de l’avoir créée.
Un jour, un événement anima la ville de fanfares et d’applaudissements : le fils du sultan du pays voisin, Amar Gdar ben gdar, avec son escorte, se rendait à la cour du roi auprès duquel, selon le désir de son père, il devait apprendre la sagesse et l’art de régner. Sur son passage les gens se massaient et recevaient des présents.
Ce jour-là, la dada un peu distraite par le fait du jour, servit à la princesse une viande non désossée. La surprise de la jeune fille fut totale :
– » Qu’est-ce que cela, demanda-t-elle à sa nourrice ? »
– » C’est un os qu’on trouve dans la viande. »
– » Je n’en ai jamais vu auparavant. «
– » Parce que je les retirai. Les princesses n’ont pas besoin d’os : tout doit être facile dans leur vie. »
La princesse prit l’os, l’observa puis le lança de toutes ses forces. L’os vola puis alla frapper la vitre qui se brisa.
A cet instant précis, le cortège royal passait prés de la kouba et un éclat de verre tomba sur le turban du beau prince qui leva les yeux et rencontra le regard de la belle princesse éblouie par ce qu’elle venait de découvrir à travers la fente (el fella).
Le prince voulut savoir qui était la belle créature de la tour de verre. De son côté, la princesse exigea de sa nourrice de l’instruire de ce qu’elle venait de voir… A SUIVRE
Source : Contes du terroir Algérien – Editions Dalimen
Illustration : Mille et une nuit de Léon Carré