Né en 1926 à Mila, dans le Nord-Constantinois, Abdelhafid Boussouf appartient à la branche appauvrie par la colonisation d’une famille de « grande tente ».
Confronté à la dure réalité de la vie, il arrête ses études primaires pour travailler comme livreur chez « Médecin du vêtement » à Constantine en 1945. Dès l’âge de 16 ans, il rejoint le PPA et devient cadre de l’OS, en 1947 toujours dans le Constantinois. Responsable de la daïra à Philippeville (Skikda), il est recherché par la police française en 1950. Il retourne à Mila pour un moment avant que le MTLD ne le désigne, en 1951, à sa tête à Oran pour un an.
Il contribue à la création du CRUA et préside, en été 1954, la première réunion préliminaire secrète dans le domicile de Liès Derriche à El Mouradia.
Cette réunion est suivie d’une deuxième, celle qui a regroupée le groupe historique des 22 dont il fait partie. Il rejoint la Zone 5 à l’Ouest algérien.
Le 5 novembre 1954, Boussouf succède à Ramdane Benabdelmalek comme adjoint de Ben M’Hidi, puis devient colonel de la wilaya V au lendemain du congrès de la Soummam.
Homme de carrure puissante, au visage arrondi, des cheveux noirs coupés très court et des yeux masqués par des lunettes teintées, Boussouf, qui avait suivi par correspondance un cours de psychologie avant 1954, donne l’impression d’un personnage modeste. Il n’en inspire pas moins à ses subordonnées un profond sentiment de respect et de crainte ; il marque de sa forte personnalité la wilaya V et doit désormais jouer un rôle clé dans la direction du FLN.
Lorsqu’il prend en main la wilaya V, celle-ci est dans un grave état de désorganisation. Graduellement, il y établit une infrastructure scrupuleusement coordonnée et un système de signaux et de renseignements qui ressemblent plus à celui de l’armée française qu’à celui des autres wilayas.
Ses opérations, bien qu’assez peu nombreuses pour donner l’impression que la wilaya est peu active, sont minutieusement préparées et dépourvues de ce côté hasardeux qui a eu ailleurs des conséquences désastreuses. Au contraire, Boussouf concentre ses efforts sur la construction d’une impressionnante machine de guerre. Un autre jeune homme, aussi réticent, efficace et ambitieux que lui, et qu’il a pris comme son adjoint, ne le quitte guère : Houari Boumediene.
Membre du CNRA, en 1956, il est, en 1957, au sein du CCE, responsable des problèmes de liaison et de communication, poste qui lui est confirmé en 1958, à l’occasion de la formation du GPRA où il devient ministre de l’Armement et des Liaison générales 5MALG). Ses fonctions lui confèrent en définitive la responsabilité de tout le système de renseignement et de contre-espionnage dont il est, du reste, le maître artisan.
Après la mort de Ben M’Hidi d’abord, puis celle d’Abane, le vrai pouvoir au sein du FLN est exercé pour un temps par Boussouf, Ben Tobal, son ami intime et fidèle, et Krim Belkacem au sein de la commission ministérielle de la guerre au GPRA.
Il fait preuve, sur tous les fronts, d’une vigilance à toute épreuve pour déjouer les plans des services français.
Fin 1958 et début 1959, l’acquisition des armes devient de plus en plus difficile, voire impossible par endroits, d’autant que les forces d’occupation renforcent leur présence dans les régions frontalières par des lignes électrifiées et des champs de mines, et s’apprêtent à déclencher les opérations de grandes envergure entrant dans le cadre du « Plan Challe ».
Devant cette situation extrêmement délicate aux perspectives sombres pour le devenir de la Révolution algérienne, certains de ses dirigeants, à l’intérieur, pensent à se rencontrer pour examiner la situation avant qu’il ne soit trop tard, et des dispositions sont prises pour éviter le pire. Si Mabrouk, quant à lui, procède à l’installation d’un petit atelier de fabrication d’armes dans une ferme sur la frontière marocaine, où grâce à une intelligence et à un esprit d’initiative hors du commun, il s’attelle à la tâche à l’insu des autorités marocaines.
L’aspect extérieur de la ferme ne trahit aucun signe suspect. Un souterrain est creusé à l’intérieur du bâtiment pour des besoins de fonderie. Boussouf s’appuie sur des ingénieurs et des spécialistes russes, tchèques et des sympathisants avec la Révolution algérienne. L’opération réussit et des milliers de fusils et de mitraillettes sont fabriquées et distribués dans la région alors qu’une partie est vendue à certains pays et les fonds des transactions vont dans les comptes du FLN.
Grâce à son dévouement, sa discrétion et son amour pour la patrie, Boussouf réussit son opération. Toutes ces qualités font de lui un homme politique et un militaire à forte personnalité et d’une grande modestie. Considéré comme l’un des meilleurs dirigeants de l’Armée de libération, il réussit à renforcer la garde sur tout le territoire algérien et au sein des instances de la Révolution. Aussi, il organise et développe des relais dans tout le pays et dans les grandes villes étrangères en moins d’une année.
Le colonel Boussouf se retire de la scène politique pendant la crise du FLN de l’été 1962, pour se consacrer à la gestion de ses affaires personnelles, notamment la vente de bateaux dans les pays arabes. Il disait être toujours disponible pour servir la patrie.
Abdelhafid Boussouf décédera subitement d’une crise cardiaque le 30 décembre 1980 à Paris, à l’âge de 54 ans. Son corps repose depuis au carré des martyres du cimetière d’El Alia à Alger.
Sources :
- « Dictionnaire encyclopédique de l’Algérie », par Achour Cheurfi. Editions ANEP, 2007.
- « Dictionnaire biographique de militants nationalistes algériens », par Benjamin Stora. Editions L’Harmattan, 1985.
1 Comment
N’oublions pas que ce « héros » a assassiné de ses propres mains le grand Abane Ramdane dans une ferme isolée au Maroc en 1958 sur les ordres de Krim Belkacem. Ce sont ces « héros » qui ont exercé la terreur sur les Algériens avant et après l’indépendance. La preuve : il a assassiné l’artisan de la guerre de libération et du congrès de la Soummam (en août 1956), après quoi il n’a jamais été inquiété jusqu’à sa mort en 1980. C’est dire qui sont les véritables héros et qui sont les traîtres à la cause. Aujourd’hui, c’est l’Histoire qui est en train de juger. Mes encouragements à l’équipe de Babzman.