Les premières spoliations des terres agricoles des Algériens commencent au lendemain de conquête du pays, et se poursuivront longtemps encore.
Après l’ordonnance du 8 septembre 1830, le 1er mars 1833, les autorités françaises publient un décret supprimant la propriété, l’immobilier et les dotations des Algériens. D’autres ordonnances suivront plus tard pour organiser l’appropriation et le transfert de terres algériennes au profit du domaine de l’Etat et instaurent la vérification des titres de propriété détenus par les algériens.
C’est par une fausse interprétation du droit musulman que le gouvernement bourgeois s’était proclamé propriétaire exclusif du sol algérien, s’appuyant sur les « Recherches sur la constitution de la propriété territoriale dans les pays musulmans » du Dr Worms. Selon ce dernier, l’Etat colonial, prenant la suite de la Régence d’Alger et du Dey, « avait un droit prééminent sur la terre ». Ainsi seront versées dans le domaine public les terres publiques, propriété de la Régence (beylik), les terres concédées par le pouvoir (azel), ainsi que les « terres mortes », et en dernière destination les terres des fondations religieuses (habous). S’y ajoutent les biens séquestrés des tribus rebelles ainsi que les biens des immigrés turcs.
Les ordonnances qui vont suivre ce décret auront pour objectif de sécuriser les achats de terre par les nombreux colons qui viendront s’installer dans le nouvel Eldorado. Elles introduisent, entre autres, la règle de l’expropriation pour cause d’utilité publique au moyen de procédures très simplifiées et obligent aux réclamants de produire des titres de propriété antérieurs au 5 juillet 1830.
« Partout où il y aura de bonnes eaux et des terres fertiles, c’est là qu’il faut placer les colons, sans s’informer à qui appartiennent les terres. Il faut la leur distribuer en toute propriété », conseillera Bugeaud.
C’est ainsi que, peu à peu, les propriétaires des terres commencèrent à perdre leur parcelles jusqu’à devenir de simples et misérables employés sur leur propre propriétés. Et c’est ainsi que les nouveaux arrivants, les colons, sont devenus les maîtres des lieux.
Ces expropriations vécues comme la pire des injustices créeront un climat de tension extrême et de nombreuses révoltes du XIXème siècle tirent leur source de cet état de fait. Mais rien n’arrêtera la machine coloniale.
En 1930, après un siècle de colonisation en Algérie, plus du tiers des terres de culture est passé dans les mains des Européens, qui ne représentent que 15 % des habitants, alors que le nombre des Algériens a pratiquement doublé.
Synthèse K.T.
Sources :
- algeriedebat.over-blog.com
- Chouquer, G. «Dictionnaire des questions foncières pendant la colonisation de l’Algérie au XIXème». CNRS, 2012, Paris.
- Kamel Kateb, «Européens, ‘’Indigènes’’ et Juifs en Algérie (1830-1962). Représentations et réalités des populations», INED, 2001, Paris.