Dans l’un des numéros d’El Moudjahid, de décembre 1961, on peut lire l’annonce de la naissance de l’APS sous le titre
Une agence algérienne : « Algérie Presse Service ».
« Le premier décembre a vu la naissance de la première agence nationale de presse algérienne. Algérie Presse Service est une agence nationale au service du peuple. Dans une perspective immédiate, un premier service public réalisé par des militants se propose de faire connaître au monde le combat du peuple algérien, le véritable visage de son Gouvernement et le vrai caractère de l’Algérie. Elle forme, d’autre part, les jeunes journalistes de l’Algérie de demain.
Dans une perspective plus lointaine, l’agence APS vise à être le reflet d’une véritable vie nationale en touchant non seulement les grandes villes, mais aussi les villages et les douars les plus éloignés. C’est l’APS qui, reliant tous ces centres, permettra à une véritable presse nationale et populaire de se développer.
L’APS publie actuellement un bulletin quotidien de dix à quinze pages contenant les nouvelles de l’Intérieur : politiques, militaires et sociale, ainsi que des informations internationales. Ce bulletin est distribué aux grandes agences mondiales et à toutes nos organisations nationales.
Saluée dès sa naissance par la presse des pays amis, Algérie Presse Service se révèle déjà un instrument de lutte supplémentaire au service de notre cause et de celle de tous les peuples opprimés par le colonialisme »
En effet, alors que la Révolution bouclait sa septième année et que les négociations à Evian étaient à leur dernière phase, il était essentiel de communiquer très régulièrement sur les position des responsables algériens par rapports aux événements présents et à venir et, surtout, freiner les informations diffusées par les services français gouvernementaux et paragouvernementaux, par les autorités militaires françaises, l’OAS…
La Révolution disposait effectivement de son organe d’information écrite et de sa radio. Mais si le premier, El Moudjahid dans ses deux éditions en arabe et en français, paraissait périodiquement et ne pouvait pas suivre l’actualité, et la radio « la voix de l’Algérie » avait un rôle de soutien psychologique à la population algérienne, il devenait impératif de créer un autre média qui puisse paraitre quotidiennement et qui serait susceptible de toucher le monde entier : une agence de presse. Car une télévision était totalement inenvisageable parce qu’elle nécessitait de très gros moyens matériels et humains.
Pierre Chaulet, l’un des premiers journalistes de l’APS, raconte : « La présence à Tunis du ‘’Maghreb circus’’, une cohorte de journalistes de diverses nationalités et de représentants des grandes agences de presse à l’affut de toutes les informations concernant les négociations en cours puis le déroulement de la phase transitoire, nous obligeait à créer une agence éditant un bulletin quotidien de 10 à 15 pages ronéotées »
Mais la naissance de l’APS était quasiment un concours de circonstances : la bonne idée avec les bonnes personnes et au bon moment !
Belkacem Madani explique que durant la guerre de libération, beaucoup d’Algériens quittaient l’Algérie ou la France pour le Maroc et la Tunisie. C’est ainsi qu’en novembre 1961, deux hommes, Skander Nouredine et Messaoudi Zitouni, récemment libérés d’un camp d’internement, se trouvent à Tunis où ils rencontrent le ministre de l’information du GPRA, M. M’hamed Yazid. Ce dernier se demandait comment il pouvait utiliser leurs compétences, lorsque les deux syndicalistes lui proposèrent la création d’une agence de presse.
Celle-ci comptera deux bureaux tenus par les deux syndicalistes. Un à Tunis dans les locaux de l’agence Tunis Afrique Presse (TAP) et un autre à Rbat, au siège de l’agence Maghreb Arabe Presse (MAP).
Le rôle de l’APS consistait principalement à faire connaitre le point de vue du GPRA sur les diverses questions touchant au développement de la guerre, aux conditions politiques des futures négociations qui se profilaient à l’horizon et aux questions liées au présent et à l’avenir de l’Algérie indépendante.
L’APS diffusait un cahier hebdomadaire constitué de feuillets ronéotypés qui devaient contenir les orientations idéologiques de la Révolution, les commentaires de la presse étrangère sur la guerre d’Algérie et des informations sur les activités militaires de l’ALN et des réseaux des fidayine.
Par ailleurs, l’agence algérienne avait des rapports privilégiés avec la TAP et la MAP. Au sein de ces agences, elle avait un double rôle. Elle jouissait du statut d’agence centrale avec un siège provisoire à Tunis et ses deux journalistes avaient le statut de correspondants étrangers auprès de ces deux agences.
Très rapidement, la diffusion de l’APS était devenue quasi quotidienne, contrecarrant les propagandes hostiles à l’indépendance de l’Algérie. Notamment grâce à des correspondants anonymes, dont beaucoup d’étrangers, et qu’on nommait « les porteurs d’information »
Pierre Chaulet raconte qu’à la mi-mai 1962, Redha Malek et Messaoudi Zitouni avaient organisé le transfert d’El Moudjahid et de l’APS à Alger, dans l’optique de préparer les services d’informations pour le référendum.
Belkacem Madani parle de la suite, à savoir que l’agence se mettra en sourdine le temps que passe « l’été de la discorde ». Puis reprendra son fonctionnement avec des moyens très modeste, à savoir le système des pneumatiques : tube contenant une missive-des infos- expédié par canalisation souterraine de bureau à bureau au moyen d’air comprimé.
L’APS sera d’abord installée au cœur la Casbah, puis au Télémly avant de prendre son siège au boulevard Che Guevara. A ce moment, l’agence s’équipera en ligne télégraphiques, télex…
Synthèse Z.M.
Sources :
- Le cahier du cinquantenaire de l’APS 2011, par APS ALGERIE PRESSE SERVICE. 50ème anniversaire de l’APS. Colloque et exposition (témoignages de Pierre Chaulet, Belkacem Madani…)
- www.aps.dz
- El Moudjahid, N° 88, daté du 21 décembre 1961