Destin pour le moins exceptionnel pour cette jeune femme de l’Algérie fraichement indépendante qu’on peut voir sur une vidéo mise en ligne sur le net. Elle a le visage de la belle algérienne fière et rebelle qui refuse les rêves au rabais. Son discours, datant de 1968, n’a pas prit une ride, la condition féminine dont elle parlait est quasiment encore identique, tout comme la mentalité qu’elle décrivait. Révolutionnaire, elle affirmait qu’il fallait un renouvellement des structures sociales et une véritable révolution pour qu’il y ait un changement véritable dans les rapports entre les hommes et les femmes en Algérie.
Elle était jeune, à la fleur de l’âge, et ne voulait pas « se marier pour se marier ». Elle n’attendait pas le prince charmant, mais un homme qui partage ses idéaux et qui ait les mêmes idées politiques et humaines. Pour elle, le mariage n’était pas forcément une prison, mais peut être « une liberté à deux ». En disant cette phrase, la jeune Zohra Sellami ignorait que ces propos auraient un jour beaucoup de sens.
Destin exceptionnel parce qu’elle a était arrêté et emprisonnée deux fois sous le régime Benbella, alors qu’elle était militante. Elle ignorait encore que son avenir serait auprès du premier président de l’Algérie indépendante destitué. Lorsque ce dernier était en résidence surveillée, à Douéra, depuis le coup d’Etat de Houari Boumediene en 1965, Zohra Sellami était journaliste à l’hebdomadaire « Révolution africaine », l’organe central du FLN. En bonne révolutionnaire, elle était devenue une spécialiste des mouvements de libération de l’Afrique subsaharienne, des maquis du Frelimo (Mozambique) et du PAIGC d’Amílcar Cabral (Guinée et Cap-Vert). Sa chronique hebdomadaire était entièrement dédiée à l’émancipation du continent africain.
Dans un long article* dédié au défunt Ahmed Ben Bella, le journaliste El Kadi Ihsane raconte : « Un jour de 1963, le cortège présidentiel passe au pied de la rédaction de « Révolution Africaine », près de la Grande-Poste, au centre d’Alger. Sur le balcon, tous les présents applaudissent sauf une jeune femme. Ahmed Ben Bella la fixe du regard. Et ne l’oubliera plus. Près de dix années plus tard, détenu au château de Douéra, près d’Alger, depuis son renversement en juin 1965, il demande une faveur à son geôlier, Houari Boumediène. Une compagne. Les amis du président déchu proposent à Zohra Sellami de devenir l’épouse du mythique président, disparu des regards depuis si longtemps. Elle dit oui. A leur rencontre sur son lieu de détention, il lui dit : « Je savais que ce serait toi. » Le couple fusionnel qui en est né a fait d’Ahmed Ben Bella un vieil homme heureux et bien portant. Jusqu’à ce jour de mars 2010, où Zohra s’est éteinte à 67 ans. »
Zineb Merzouk
*Vie et mort d’Ahmed Ben Bella, publié in le site Maghrebemergent.com le 11 avril 2012
1 Comment
Je ne comprends pas ces femmes qui acceptent de se marier avec quelqu’un comme cela, sur proposition de quelqu’un?
Ben Bella a dit un jour, qu’en voyant cette jeune femme qui n’applaudissait pas sur son passage, devant la grande postes’est, il s’est dit qu’il voudrait se marier avec elle.
Dire que quelqu’un lui a proposee, par hasard de devenir la femme d’un president dechu, en residence surveillee, est peu convaincant.
Ce que j’admire c’est son courage. Elle savait qu’elle perdrait sa liberte, et sa vie meme. Elle se condamnait a la prison a vie, une vie pas tres agreable, alors que les jeunes femmes de sa generation voulaient mordre a pleines dents dans cette vie merveilleuse pleine de promesses. Je suis triste pour elle. Au moins si elle a eu des enfants. Il n’y a que des Algeriennes pour se sacrifier de cette maniere pour un homme. Chapeau.