Une mémoire à réparer, un patrimoine à restituer

Lors de sa première tournée africaine, le président français Emmanuel Macron s’est positionné à Ouagadougou, le mardi 28 novembre, sur la restitution du  patrimoine africain : « Je veux que d’ici cinq ans les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique ». Qu’en sera-t-il à Alger lors de sa première visite officielle ?  

 

Le Chef d’Etat français aura alors à s’exprimer, entre autres, sur la question mémorielle. Au-delà de son discours, sa promesse de restituer aux Africains les œuvres d’art enlevées durant la colonisation, tout en allant vers une « réparation mémorielle », n’est pas aussi simple. Cette problématique demeure posée, elle est même l’un des sujets contentieux entre les deux Etats français et algérien.

Déjà, à la fin de l’année 1962, les autorités algériennes demandent à la France la restitution de près de 300 œuvres appartenant au Musée des Beaux-Arts d’Alger au titre de l’intégrité de son patrimoine culturel et conformément aux accords d’Evian. A ce sujet, Andrew Bellisari, doctorant en histoire, a animé une conférence à Alger (31 mars 2015). Il a précisé que le rapatriement de la presque totalité de ces œuvres (tableaux de la peinture française : Monet, Renoir, Pissarro, Degas, Delacroix) aura lieu au terme de près d’une décennie de négociations. C’est dire la complexité de la question des restitutions.

Il en est de même pour les 37 crânes d’Algériens, dont celui de Chérif Boubaghla (alias Mohamed Lamjad Ben Abdelmalek, chef d’une insurrection en Kabylie, mort en martyr en 1854), conservés au Muséum national d’histoire naturelle à Paris. D’après le chercheur historien Ali Farid Belkadi qui a révélé cette découverte en 2011, le musée est disposé au rapatriement de ces ossements mortuaires, à condition que l’Etat algérien en formule la demande.  Qu’en est-il aussi du canon Baba Merzoug ? Une pièce rebaptisée Le Consulaire et installée, en 1833, dans le port de Brest en France. Un canon qui a défendu Alger deux siècles durant. Il est devenu de fait un bien de la Marine nationale française. 

La France aurait reçu en juillet 2012 une demande officielle de l’Algérie pour le récupérer. La question est, certes, d’ordre juridique, mais la volonté de M. Macron est-elle suffisante ? Elle ouvre cependant la porte aux pourparlers formels avec les pays africains, en général, et avec l’Algérie, en particulier.  

 

Mohamed Redouane 

 

Sources   

  1. Revues de l’année du Maghreb : La question des restitutions d’œuvres d’art : différentiels maghrébins par Jean-Gabriel Leturcq. 2008.  
  2. Entretien de Ali Farid Belkadi à El Watan, auteur du livre Boubaghla le sultan à la mule  
  3. grise : la résistance des Chorfas, éditions Thala, Alger. Octobre 2014. 
  4. APS. Presse de France.   

Images

  1. Cranes résistants algégriens, Musée de l’Homme, Paris © Ali Farid Belkadi 
  2. Baba Merzoug dans l’arsenal de Brest

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