Tous ceux qui l’ont connu s’accorde à dire qu’il était généreux. Lâadi Flici était pédiatre dans la Casbah qui l’a vu naître. On l’appelait le « médecin des pauvres » parce qu’il ne faisait payer ses patients démunis. Ou pour ne pas humilier leurs parents, demandait en retour des m’hadjeb ou des makrout.
Lâadi Flici était poète, écrivain et surtout militant dans l’âme. Il se sentait concerné par l’histoire et la politique culturelle de l’Algérie et était de tous les combats justes.
Au début des années 1990, lorsque les premiers assassinats d’intellectuels ont inauguré un cycle infernal, son entourage lui conseillait de quitter le pays. Mais Lâadi Flici répondait par la négative et affirmait se sentir plus en sécurité dans sa Casbah que partout ailleurs. Il avait tellement tort.
Ce 17 mars 1993, il était attendu pour les obsèques de Dijilali Liabès, assassiné la veille. Mais Lâadi Flici n’ira pas au cimetière. Il est à son tour victime de la barbarie. Il sera assassiné dans son cabinet de consultation, dans cette chambre qui l’a vu naître 56 ans auparavant.
Il ne soignera plus les enfants démunis. N’écrira plus jamais et ne militera plus. A la Casbah, il laissera un vide immense et une tristesse sans égale.
Né le 12 novembre 1937 à la Casbah d’Alger, Lâadi Flici a entamé ses études supérieures à la faculté d’Alger avant de les interrompre pour militer. Il sera arrêté par la DST française en 1956 et emprisonné pendant une année à Barberousse, après un interrogatoire musclé.
En 1962, il sera président du Comité exécutif de l’Ugema, dont il démissionnera. Il reprendra ses études de médecine pour devenir pédiatre et s’installera à la Casbah, chez lui.
Sa vocation de poète a germé pendant les mois de détention. Son inspiration tournait toujours autour de la guerre et l’amour.
Son œuvre se situe à la jonction de deux courants poétiques, celui représenté par Kateb, Haddad, Sénac, Dib et celui annoncé par Djaout, Tibouchi et autres Sebti, mais elle a su trouver sa propre voix.
Lâadi Flici a représenté la génération qui a vécu « avec les yeux de la certitude » et dans sa propre chair, l’épreuve de la libération.
Ses premiers écrits édités datent du temps de la Révolution avec « La passion humaine », Éditions J. Millias-Martin‚ Paris‚ 1956. Parmi ses autres œuvres, « La Cour des Miracles (théâtre) », Éditions SNED‚ Alger‚ 1978, « Qui se souvient de Margueritte (chronique) », Éditions ENAL, 1984, « Clair-obscur (nouvelles) »- Éditions ENAL 1984, « Le temps des cicatrices », Éditions ENAL Alger 1986…
Zineb Merzouk
Sources :
- « Dictionnaire encyclopédique de l’Algérie », par Achour Cheurfi. Editions ANEP, 2007
- «Il y a 10 ans tombait Laâdi Flici. Le médecin de La Casbah », par Mebtouche Ali. Publié in Liberté du 17-03-2003
- « L’Etablissement Arts et culture rend hommage à Laadi Flici. Medecin des pauvres et plume talentueuse », par Joumana Yassine. Publié in Le Midi Libre du 27-02-2008