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Histoire d'AlgérieLa colonisation française (1830 à 1962)

Saâd Djerboua, un chahid sans sépulture

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M’Hamed Bouguerra, Hamou Boutlilis, Mohamed Darlili, Mohamed Aichaoui, Mohamed, Larbi Tebessi, Maurice Audin, Ali Boumendjel… et la liste est encore longue. Ce sont les chouhada dont les corps n’ont jamais été retrouvés. Saâd Djerboua, dit Hadj Saâd, fait partie de ces martyrs sans tombes.

Né en 1908 au douar Siouf relevant de la localité de Derreg, dans la daïra de Ksar El-Boukhari (Médéa), il était issu d’une famille composée du père Madani, de la mère Mir Halima, de trois frères et d’une sœur.

Le père Madani travaillait comme ouvrier agricole (khemmas) chez un de ses cousins, mais à cause des conditions de vie difficiles et de la famine qui sévissait à cette époque, la famille a été contrainte de quitter la région à la recherche d’une vie meilleure et s’est rendue à Miliana qui offrait des possibilités de main-d’œuvre durant la saison des vendanges et à la mine de Zaccar. A cette époque, le père contracta une maladie grave qui l’a contraint à garder le lit jusqu’à sa mort, alors que le fils Saâd était âgé à peine de 10 ans, ce qui a plongé davantage la famille dans la misère et le désarroi, l’obligeant à trouver refuge à la maison des nécessiteux de Miliana (Dar el-massakine).

après le décès de sa sœur unique et en raison des difficultés et de la misère, les membres de la famille prendront le chemin de l’exode vers Alger, et ce vers les années 1920. Arrivés à Alger ils s’installeront dans une cave à la rue du Delta (Casbah). Après la mort de leur mère, les frères Hamed, Saâd et Mohamed, seront pris en charge par leur tante maternelle, qui avait elle aussi déménagé pour la capitale après le décès de son époux en 1928. Saâd travaillait comme portefaix puis marchand de fruits et légumes avant de devenir propriétaire de plusieurs biens immobiliers au centre d’Alger. Mettant à profit sa nouvelle  situation, il a pu réunir ses frères et quelques proches de sa famille. Illettré Saad  apprendra à lire et à écrire l’arabe et le français, encourageant ceux qu’ils connaissait à faire de même, tout en les conseillant de respecter les préceptes de la religion musulmane et ira jusqu’à réserver un local à Fontaine Fraîche (Tagarins) à Alger-centre, qu’il mettra à la disposition des adultes et des enfants engageant un enseignant dénommé Si Mohamed Charef, qui deviendra par la suite l’imam  de la grande Mosquée d’Alger, afin qu’ils apprennent la langue arabe et la récitation du Coran.

En 1958, respectueux des traditions et de la religion, il effectue le pèlerinage à la Mecque, c’était aussi un sportif, du fait qu’il pratiquait dans sa jeunesse la boxe et aurait même participé à des galas selon les témoignages recueillis.  L’emplacement stratégique du café et restaurant qu’il possédait au centre même de la Casbah, deviendra le lieu de rencontre des militants nationalistes, dont Mohamed Boudiaf, qui était recherché par les services de polices français. Saad qui nourrissait un sentiment fort et patriotique hébergera clandestinement le défunt Mohamed Boudiaf dans une maison  à Bouzaréah. Par la suite, le café restaurant deviendra le fief et le  lieu de rencontres pour de nombreux révolutionnaires et chefs historiques, dont Rabah Bitat, Abderrahmane Kiouane, Benyoucef Benkhedda,  Ali la Pointe, Hocine Lahouel, Boudjemâa Souidani, Mohamed Taleb, Cherif Debih, , Fateh Zerari, les frères Bouabeche, les frères Amrani, et d’autres encore.

Saâd entretenait des contacts soutenus avec Ahcène Laskri, Arezki Louni, Boualem Hamrane, Boudjemâa Souidani et Saïd Granaisi (ex-condamné à mort) à l’origine du réseau de poseurs de bombes d’Alger avec Baya Hocine.

Il était un élément clef  pour la cause du fait de son sérieux et de  sa disposition à jouer un rôle fédérateur dans ce milieu révolutionnaire, devenant un intermédiaire dévoué, de par  les contacts entre la capitale et plusieurs régions de la wilaya IV, coordonnant avec brio les actions et les directives, entre la base et la hiérarchie. Toujours disponible, il était discret, déjouant ainsi tous les pièges de l’administration coloniale, qui ne réussira pas, à le prendre ni à découvrir ses activités.

En effet, dans l’ombre de ce travail discret, les forces coloniales,  ne parviendront pas à l’identifier malgré les opérations des forces de sécurité qui ne cessaient de faire des arrestations dans le milieu nationaliste et dans le  démantèlement de plusieurs cellules dans la capitale, qui seront suivis par l’arrestation de plusieurs militants, dont Ali la Pointe et Arezki Louni qui étaient en contact avec lui.

Saâd veillera à ce que les choses se passent bien en procédant à l’embrigadement et au recrutement de jeunes intellectuels qu’il dirigera vers les maquis de Palestro, Theniet el-had et Djebel Louh où après avoir reçu une formation militaire, ils étaient affectés dans les différentes « Katibet » de l’ALN et grâce au soutien logistique qu’il apportait à partir d’Alger, il assurait les besoins des combattants en armement, munitions, effets vestimentaires, médicaments et argent.

Il continuera ses activités jusqu’au jour où l’ennemi a réussi à obtenir sur renseignement son identité et qui s’est avéré être une personne au-dessus de tout soupçon pour les autorités coloniales au niveau d’Alger, grâce à sa vigilance.

Arrêté le 26 décembre 1959, il sera conduit à l’unité des Zouaves à la Casbah où il sera torturé durant quatre jours, puis sera transféré vers un endroit secret. Le lieu où il sera détenu ne sera jamais connu, du fait que l’autorité coloniale se méfiait et savait qu’elle avait à faire à une importante personnalité dans le milieu nationaliste. On rapporte, que durant sa détention, ses deux enfants en bas âges ont pu lui rendre visite au détachement des Zouaves et s’entretenir avec lui à travers une lucarne dans sa cellule à la Casbah. Cependant malgré les supplices et les tortures que lui fera subir  l’autorité coloniale, Saad ne parlera pas. Les recherches par sa famille, pour savoir où avait été transféré Saad n’aboutiront à aucun résultat  et l’on ne saura jamais où il avait été interné, sinon qu’il avait été transféré en secret vers la caserne « Camp Morand » à Boghar (Wilaya de Médéa), puis vers la SAS de Sebt-Aziz où il a été torturé par un certain Baudouin et Larabi, avant d’être exécuté au mois de février 1960 au lieu-dit « El-Ardja », non loin du Mausolée de Sidi-Bouzid. Son corps ne sera jamais retrouvé.

Sources :

  • «Le chahid Djerboua, un combattant de la première heure», par Hamid Sahnoun. Publié dans La Nouvelle République le 10-10-2011.
  • «Saâd Djerboua, un Chahid sans tombe », par Benyahia Aek. Publié dans Réflexion le 20-02-2012.

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2 commentaires

GUELLA Mohamed 22 février 2016 at 10 h 31 min

Mon frère ,chahid est mort au maquis en 1957 mais resté sans sépulture.Y a -t-il un moyen pour le sortir de l’oubli? (revue,journal…..) Merci.

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BABZMAN 26 février 2016 at 19 h 46 min

Envoyez-nous des informations, des papiers, une preuve qu’il ait été au combat et nous ferons notre article. 🙂

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